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16 décembre 2009 3 16 /12 /décembre /2009 20:17

Que dire d’elle sinon qu’elle sait nous entraîner dans son imaginaire, qu’elle sait garnir ses tableaux de rencontres, de mélodie, de souvenirs, de drames, de meurtrissures, de douleurs mais surtout qu’elle sait habiller ses tableaux d’une multitude de décors fascinants et imprévisibles.

 

Aïcha Fall a découvert les arts plastiques en 2002 au contact d’un grand plasticien du nom de Mokhis au faciès policé. C’est entre les mains de ce dernier qu’elle va découvrir sa vocation. «Quand Aïcha est venue me voir à la maison des artistes, elle ne connaissait rien de la peinture », se souvient Mokhis. «J’ai pris la peine de l’encadrer, poursuit-il. J’ai vite compris qu’il fallait guider ses premiers pas. »

 

Faisant fi des paroles qui tentaient de la dissuader afin qu’elle jette l’éponge, elle n’écoutait que les conseils du grand maître qui la couvait d’affection et d’attention. Tant pis, s’écria-t-elle, je vais faire ce que j’aime et advienne que pourra. De toute évidence, on ne peut pas échapper aux oiseaux de mauvais augure.

 

Aujourd’hui, Mokhis a eu raison de tout ce monde-là. Car, Aïcha est devenue une artiste confirmée et prometteuse. A son actif, une participation à l’atelier hispano-mauritanien des femmes artistes aux Iles Canaries au mois de mai 2008, une invitation à Alger en Algérie au Festival Rencontres Maghrébines sur la peinture en mai 2009, une attestation de couture, un 3ième prix décroché en marge d’un concours d’arts plastiques, un prix à Bamako où elle a fièrement représenté son pays, une participation à Ouagadougou à la marche des femmes artistes…
                                        Aicha.JPG
Et, pourtant, que de chemin parcouru ! Au début, elle pensait que la peinture, c’était comme faire un pique-nique, touiller de la salade ou encore prendre du zrig rafraîchissant. Très vite, elle comprit que la peinture n’est pas un théâtre de marionnettes. «C’était très difficile et compliqué », révèle-t-elle. Portée par l’espoir et une réelle volonté et envie de faire de la peinture, elle range dans un premier temps ses premières amours : la couture. Et, comme de nombreux plasticiens, elle s’affirmera d’abord dans les dessins.

                                      
Du centre de la Mission Catholique Saint Joseph de la Médina 3 où l’avaient envoyé ses parents pour y apprendre la couture, cette originaire de Méderdra découvre, par le biais d’une religieuse elle-même artiste, les vertus du dessin et se met derechef à reproduire les motifs d’une nappe ou d’un tissu.

Entre la couture et la peinture, Aïcha Fall n’a pas encore fait son choix. Pour elle, c’est deux arts fondamentalement liés. «Je n’ai pas vraiment laissé la couture. Je continue à coudre. D’ailleurs, quelques unes de mes toiles sont faites en batik. Je tiens toujours à être couturière en même temps une plasticienne », commente-t-elle.

Celle qu’on taxait souvent d’être une «folle», parce qu’elle revenait de la maison toujours et complètement mouchetée par la peinture (rassurez-vous, elle a grandi !) a désormais décidé d’épouser un métier encore mal connu dans notre pays où les femmes qui l’exercent se comptent au bout des doigts. «Je voyage beaucoup et à chaque  fois je ramène quelque chose », dit-elle comme pour expliquer l’adhésion de sa famille à sa passion.
                                          Aicha1.JPG

Jeune élève boudeur, elle arrête très tôt les études en classe de 3ième année collège. «Parce que je n’aimais pas », explique-t-elle. Aujourd’hui, ce que l’école n’a pas réussi à lui offrir, les arts plastiques le lui ont donné : la maturité. Et cela grâce à la Maison des artistes composée, comme elle le dit, de plasticiens qu’elle considère comme des pères et des frères.

Ses toiles se construisent généralement autour de la femme, de l’Afrique, de la famille, des enfants, de la culture africaine. Elle évoque également, à travers des tableaux sombres déroulant des perspectives chaotiques, des tragédies : le sida, le réchauffement climatique, la mendicité, l’immigration…

Eh ! bien, celui qui lui a dit une fois que son esprit dépassait son âge ne s’est pas trompé. Alors, Aïcha, après avoir fait votre première exposition individuelle qui a eu lieu du 25 octobre au 7 novembre 2009 au Musée National, peut-on dire que vous êtes désormais dans la Cour des grands ?

 

Babacar Baye NDIAYE

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