A 30 ans déjà, il flirte avec le succès ! La vie semble bien lui sourire. Sa voix si vigoureuse, si admirable et si spécifique, l’a classé parmi les pontes de la musique sénégalaise. En 5 ans de carrière solo et 3 albums, Carlou D a su s’imposer comme un poids lourd de la scène musicale sénégalaise. Il vient, pour la première fois, depuis le début de sa carrière solo en 2004, jouer à Nouakchott. C’était ce 2 avril 2009. Cette venue n’a été possible que grâce à la structure musicale, Dawa Productions, dirigée par Awa Fall, par ailleurs, une admiratrice de l’artiste sénégalais. Une soirée acoustique qui a tenu toutes ses promesses. Reportage.
Nous sommes à Equinoxe. Il est 22h 15. Un froid léger, moins incisif que d’habitude, souffle sur la terrasse. Le public est déjà en place. Sous les va-et-vient interminables des serveurs et des serveuses, Papis, notre indétrônable animateur, s’empare du microphone pour annoncer le début de la soirée. S’en suivit la montée sur scène de la jeune artiste, Dioba. De sa superbe voix, elle entonne sur un air berceur. Accompagnée de Lamine Kane, à la guitare, elle ronronne des chansons aux airs mélodieux, de véritables hymnes à la sensualité, une invitation au voyage et au plaisir des sens. Accoutrée en jean, qui laisse apparaitre toutes ses rondeurs et en pompes noires, elle libère de sa bouche des mots à faire fondre en larmes. Sur une note mélodieuse, elle a fait une reprise d’un morceau fétiche, Tadjaboone, d’Ismaël Lô, un artiste sénégalais.
On est dans les coulisses. Au niveau du 1ier étage. Carlou D est en train de faire les derniers réglages avec son staff. Accompagnés de ses deux musiciens, celui que tout le monde escomptait, fait son apparition. Il est 23h 16. Il enfile un boubou, tout blanc, offert par Awa Fall, nous confiera-t-il plus tard. Coiffé en dreads locks, chapelets et un portrait de Serigne Fallou Mbacké, noués autour du cou, Carlou D adresse des salutations au public. "Bonsoir, je salue tout le monde", lance-t-il à l’endroit du public qui se leva pour l’ovationner.
Des rimes bien écrites, une voix très forte, des guitares qui se déchaînent, un tambour d’où sortent des rythmes rappelant les soirées "zikrs", les premiers morceaux joués par Carlou D sont pleins de spiritualité. Tous ces morceaux étaient toujours repris en chœur par le public. Chacune de ces fins, de ses morceaux étaient noyées dans des salves d’applaudissement.
Carlou D est un véritable phénomène musical. Sur scène, dans la vie, son accoutrement et ses chansons spirituelles renvoient à la vie des Baay Faal. "Le Baay faalisme (croyance absolue en Dieu) est un état d’esprit. C’est un bien-être. On dit qu’agir, c’est être. Ce n’est pas un problème d’accoutrement ou de dreads locks. C’est dans le cœur. Je peux m’habiller en italien ou en américain tout en ayant le cœur d’un Baay Faal", explique-t-il. Baay Faal convaincu, il l’est. Et, pour lui, l’être, ce n’est pas uniquement faire ses ablutions, prendre son chapelet et prier Dieu. "C’est une éducation", précise-t-il.
Après "Séedé" et "Wéru Waaye", Carlou D vient de sortir son dernier album "Ndéye Dior" qu’il est venu présenter à Nouakchott. Dans cet album, on retrouve différents styles de musique qui ont eu à l’influencer durant sa carrière musicale : Rock n’Roll, Gospel, Jazz spirit, Assico ou Samba chez les brésiliens…Une manière de montrer que ces styles de musique, proviennent d’Afrique, la terre mère ! Composé de six titres inédits, cet album est produit par la fondation Prince Claus pour la Culture et le Développement. Ndéye Dior, un album à la fois innovant et original, révèle aussi tout le talent de Carlou D qui a voulu, à travers le titre, rendre un hommage à sa mère décédée, il y a quatre ans. Il a créé un style (muzikr : jonction entre la musique et les zikrs (chants religieux) tout à fait nouveau qu’il a qualifié de purement "carloudien" pour reprendre son terme. Outre Waziz Diop, il y a Idrissa Diop, qu’il appelle affectueusement "Gentle Père" qui a participé à cet album dans le titre de "kilifa".
Carlou D s’est essayé d’abord au Hip Hop avant de se lancer dans la musique acoustique. "C’est une suite logique par rapport aux réalités de chez moi (le Sénégal) sur le plan musical. A part le Mbalax, il n’y avait que le Rap comme style, jeune je précise bien. Lorsqu’on est un jeune rappeur, on commence à écrire des textes engagés et révolutionnaires. Si vous constatez bien, même aux Etats Unis d’Amérique, ceux qui étaient hardcore ont changé", fait-il remarquer.
Sa carrière musicale a connu bien des soubresauts. Tout n’est pas allé comme sur des roulettes. Il s’en souviendra très longtemps de cette phrase que sa défunte mère, un jour, lui avait adressée. "Si tu crois en toi, tu peux y arriver". Depuis, Carlou D enchaîne les succès sur scène. Plus qu’un artiste, il se considère comme un messager. C’est pour cette raison que sa musique est fortement ancrée de spiritualisme. Ces textes sont empreints de la philosophie du Baay faalisme.
Avant de nous quitter sur scène, Carlou D a chanté les femmes. Pour lui, c’est l’époque des femmes d’où son titre, dans l’album Ndèye Dior, "Le monde des femmes". Timide dans la vie, il explose sur scène. "La scène, c’est le seul milieu où j’arrive à me défouler, à m’exprimer. Quand je suis sur scène, je suis libre", confie-t-il. Il ne fait pas seulement plaisir. Dans le morceau "Senrégal", il ne fait pas que chanter l’hospitalité sénégalaise. Mais, il met à nu aussi les tares de la société sénégalaise. "Personne n’est à l’abri de mes mots et de mes clash", dit-t-il.
Babacar Baye Ndiaye