Prisca est avant tout un prénom. Celui d’une jeune fille. "Mais, à l’origine, ce prénom n’avait pas de signification. On ne l’a choisi parce qu’au moment où on s’est formé, où on a commencé à répéter nos chansons, on n’avait pas de nom de groupe. Tout d’un coup, il y a quelqu’un qui s’est intéressé à nous et qui a commencé à nous organiser des concerts. Il nous a dit maintenant qu’il faut que nous nous organisions. On a pris le calendrier. On s’est arrêté au 18 janvier. On a trouvé cela joli. On a dit : Allez ! Prisca, pourquoi pas ?", explique Mahfoud Bettayeb, le chanteur du groupe.
Depuis 1999, date de sa création, Prisca a sorti deux albums de studio et un album live en 2008. Le premier album portait le nom du groupe, "Prisca", sorti en 2001. En 2006, le groupe sort son second album, "Bastringue". "Et là, on est en train de préparer un quatrième album qui va sortir en début de l’année 2010", annonce Mahfoud Bettayeb.
Prisca est un groupe qui mêle avec succès richesse verbale et mélodie, vitalité, envolées d’accordéon, chanson rock réaliste et musique de l’Est. Un groupe d’ouverture à toutes les tendances musicales du monde ! D’ailleurs, dans leur 4ième album, on va retrouver cette même envie de dosage, de concentration et d’échanges d’expérience. Cette fois-ci, Prisca va explorer certaines musiques africaines notamment mandingue. Pour ce faire, les musiciens de Prisca ont dû collaborer avec des musiciens gambiens de l’orchestre d’Ibrahima Djabaté.
C’est juste aussi une question de changer un peu d’air, quoi. D’explorer d’autres pistes musicales pour ne pas tomber dans la routine, dans l’aspérité musicale, au risque de soûler les oreilles. "On fait de la chanson française. On a subi une influence musicale un peu rock. On a subi aussi l’influence des musiques de l’Est. A un moment donné, on s’est dit : pourquoi pas ne pas essayer de confronter toutes ces musiques-là avec des instruments traditionnels africains", dit Mahfoud Bettayeb.
Cela s’explique par le fait que les musiciens de Prisca ont été séduits, pour reprendre le terme de Mahfoud Bettayeb, par la musique africaine, très différente, sur le plan des sonorités, des musiques occidentales. "Dans la musique africaine, il y a souvent des répétitions de rythme, des répétions de phrase qui font que la musique monte. Il y a un côté un peu transe dans la musique africaine. Et, nous, nous voulions essayer de retrouver ça dans notre musique", souligne-t-il.
Pour les partenaires de Mahfoud Bettayeb, Virgile Groetzner, Hervé Chignet, Guemadi Kopeïta, Pierre Bertrand et Sébastien Porte, il s’agit aussi, à travers cette croisière, de conquérir le public africain. Leur passage à Nouakchott qui n’a pas été du tout décevant rentre dans ce cadre.
Avec Prisca, on sent véritablement cette envie d’aller à la rencontre d’autres peuples, d’autres musiques et d’autres manières de chanter, de jouer... Certainement, cela est dû aux origines des différents musiciens qui composent Prisca où on retrouve, certes des français de souche, mais aussi des français issus de l’immigration et donc d’origine culturelle diverse. Un atout ! Par exemple, Virgile Groetzner est d’origine allemande, Guemadi Kopeïta d’origine ukrainienne. Item pour Mahfoud Bettayeb qui est d’origine algérienne. Il aurait même, nous a-t-il confié, des origines mauritaniennes.
Lorsqu’on parle de chanson française, on pense aussitôt aux chansons d’amour, aux chansons paillardes. Mais, chez Prisca, on aborde aussi des sujets réalistes. "On parle d’amour bien sûr mais aussi on évoque d’autres thématiques. Parfois, on est un peu polémiques. Parfois, aussi, on essaie de titiller un peu par nos textes. On parle de l’amitié, de la mort. On parle de la vie", révèle Mahfoud Bettayeb.
Il n’y a pas que cela. Prisca évoque aussi des thèmes à caractère politique. Là, on n’hésite pas à canarder, à dire ce qu’on pense. Mahfoud Bettayeb déteste le Front National (FN), un parti raciste, dirigé par Jean-Marie Le Pen. Il n’épouse pas les idées de la droite française. "La société française respecte toutes les origines, toutes les religions. Globalement, on ne ressent pas le racisme", dit-il, en soulignant que n’importe qui peut vivre en France sans souffrir de la discrimination ou du racisme. Lui-même en est une illustration !
Mahfoud Bettayeb est un fils d’immigré originaire de l’Algérie. Pour autant, il n’en souffre pas. Il revendique son appartenance à la société française. Pour lui, la France, le pays des droits de l’Homme, le lui doit bien. Mais, voilà ! Aujourd’hui, Mahfoud Bettayeb continue à demander, dans un texte sur la guerre de 14-18 où il essaie de relater l’évènement du "Chemin des Dames", pour qu’il y ait un minimum de reconnaissance à l’endroit de tous ceux qui ont été utilisés comme des "chairs à canon" (allusion faite aux tirailleurs sénégalais, Ndlr) sur les lignes ennemies. "On n’a jamais parlé de ces gens-là parce qu’ils passaient pour des traîtres de la nation. Et, pourtant, c’est des gens qui ont eu le courage de se positionner contre la boucherie", explique Mahfoud Bettayeb qui préfère habiter dans un monde de paix que de guerre.
Pour ne pas se perdre, les musiciens de Prisca se réconcilient, à travers la musique qu’ils jouent, avec leur passé et leurs origines. Avant de nous quitter, Mahfoud Bettayeb nous a promis une chose : "Si, jamais, on nous invite à nouveau, on sera très heureux de revenir à Nouakchott !". On attendra…promis !
Babacar Baye Ndiaye