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17 janvier 2011 1 17 /01 /janvier /2011 15:12

tahra2.jpgC'est dans les années 1960, au Hodh Gharbi, qu'est née Tahra Hembara ; celle qui fera le bonheur de Mama Mint Ahmed Zeidane dit "Ma Mouyna " et de Mohamed Laghdaf Ould Mbar, mais aussi de son père adoptif Ahmed Ould Saïd.

A la différence de nombre de ses congénères, Tahra Hembara est allée très tôt à l'école française où elle obtiendra son bac et bien plus tard, une licence en Economie à l'Université de Sorbonne. Auparavant, elle avait suivi des études coraniques qu'elle continue d'ailleurs d'entretenir. "Il faut mener sa vie comme on allait vivre éternellement et comme si la fin est prévue pour demain " dit-elle avec sagesse.

Et de compléter : " nous sommes venus au monde rien que pour vénérer le bon Dieu. Je le fais pour moi-même et pour le bon Dieu ".

Svelte, respectueuse des hôtes, elle se décrit comme " une femme exigeante, fidèle, paresseuse, très gentille et nerveuse ". " Je déteste la trahison. Je pardonne très difficilement. Je n'aime pas le mensonge en tout cas pas délibérément " affirme Tahra Hembara qui soulignait : " le Prophète disait que le menteur ne fait pas partie de sa communauté… Idem pour les personnes qui font du mal. Personnellement, je ne supporte ni les premiers ni les seconds ".

Enfance.

Tahra reconnaît avoir vécu une enfance très heureuse entre les régions des Hodhs, Aleg, Boghé, Rosso et Nouakchott. " J'étais avec une mère d'une grande beauté, très marante qui avait un humour ravageur que j'adorai, que j'adore et que je vénère vraiment ". L'artiste a aussi vécu avec son père. Elle garde de grands souvenirs de son petit frère Dahha, mort à l'âge de 8 ans électrocuté. "C'était mon frère et c'était mon ami " affirme-t-elle.

Début dans la profession.

Tahra Hembara a eu des débuts de carrière difficile dans la musique. " Je n'ai jamais connu de musique, ni de près, ni de loin. Parce que chez moi dans les années 60 on ne pouvait pas écouter de la musique. Seules les personnes de la même génération pouvaient le déguster, releva-t-elle en substance, notant " chaque fois qu'il y avait une entame de musique on y mettait fin. Malgré tout, un peu plus tard, j'ai été attirée par la musique.

J'ai commencé en cachette parce que ma mère n'était pas d'accord. Mon instrument était toujours chez les voisins. Et c'est pour cela que je suis allé au collège des jeunes filles de Nouakchott où je me trouvais à l'internat surtout pour pouvoir jouer, chanter et m'imprégner de cette musique que j'aimais tant ".


Elle affirme avoir rencontré très tôt, l'une des figures emblématiques de la musique mauritanienne, Cheikh Ould Bacha qui est issu d'une très grande famille d'artistes. L'homme était un ami de sa famille et venait souvent chez eux pour jouer la musique qui émerveillait Tahra. " J'ai dis à cheikh que je jouerai un jour pour lui et ça le faisait sourire " assène-t-elle. " J'ai pourtant réussi le pari, bien plus tard " se glorifie-t-elle.

Côté déception, elle en a. Il s'agit surtout de cette cérémonie de mariage où des convives l'ont tancée de s'asseoir alors qu'elle esquissait des pas de danse.". " Moi qui suis aujourd'hui un professeur de danse ". A propos de sa maîtrise de l'instrument " Ardine "Tahra tire sur la TVM qui ne l'a pas fait connaître au grand public. "

Si beaucoup de gens ne me connaissent pas, c'est la faute à la TVM et aux medias publics. Ici, il faut taper, supplier les gens pour se faire connaître. Moi, je ne le feras pas " rectifie-t-elle.

Célibataire depuis quelque temps, Tahra qui est revenue à Nouakchott après un longe séjour en Europe (Italie, France, Belgique, Hollande..) ne regrette rien ; " le divorce a été pour moi un vrai bonheur. Même sans faire des tournées, je peux jouer ou chanter, chez moi organiser des soirées musicales… parce que je suis une artiste. Je me sens très épanouie " avance-t-elle.

Ses rêves.

Tahra
est une très grande rêveuse. " Plus il y a de rêves, plus on a de perspectives donc, plus il y a d'avenir " déclare-t-elle. Tahra rêve de faire connaître la musique mauritanienne, de jouer son instrument partout, de voir la musique mauritanienne et la peinture mauritanienne s'épanouir dans les quatre coins du monde. Elle dit se heurter toutefois à la marginalisation de l'Etat par rapport à sa profession. "

Je rêve beaucoup de choses mais l'Etat ne m'aide pas. Il y a énormément de choses qu'on fait sans moi. Peut être mon tort est que je sois une femme intellectuelle et cultivée " atteste-t-elle. " Je trouve que ce n'est pas normal. Pour vivre je suis obligée d'avoir des boutiques, d'avoir des magasins, de vendre et d'acheter alors que je suis considérée comme une grande musicienne, par mes pairs, en Afrique " témoigne-t-elle avec amertume.

Lors de ses tournées musicales, elle joue avec de grandes vedettes confirmant ainsi sa réputation sur le plan international. Elle a composé avec David Bauer et rencontré Pavarotti sur la même scène. Parmi les vedettes africaines qui ont joué avec elles, on peut citer Alpha Blondy, le roi du Yela, Baaba Mal au Daniel Serano et entre autres.

" La véritable star Africaine, la plus grande voix Africaine et plus grand danseur de tous les temps est pour moi Baaba Mal. C'est un type que j'adore beaucoup. Je suis souvent à son festival de blues du fleuve à Podor. Où il m'invite souvent "
confesse Tahra Hembara.

Le mariage.

A propos du mariage Tahra dénonce la façon dont les Mauritaniens le font et surtout la communauté maure qu'elle connaît assez bien et lance un appel à toutes les autorités compétentes dans ce domaine à revoir la réglementation.

" Le mariage chez nous c'est quelque chose qui se fait facilement et qui se défait aussi facilement. C'est une institution qui devrait être visitée. Nos érudits et oulémas doivent revoir ce phénomène. Le côté véritablement religieux du mariage n'existe pas psychiquement chez nous les maures. Parce que on se marie quand on veut et on divorce quand on veut également "
soutien t-elle. " C'est facile de voir une jeune femme qui n'a pas 25 ans qui est mariée 1, 2 ,3 à 4 fois et ce n'est pas bien.

J'espère que le gouvernement aujourd'hui doit essayer de donner des lettres de noblesses au statut du mariage et que cela soit appliqué à la lettre. Et là, les hommes et les femmes de cette communauté maure réfléchiront deux fois avant de se marier et surtout avant de divorcer "
assure Tahra Hembara.

La politique et les politiciens.

Les talents artistiques de Tahra Mint Hembara, sont loin de l'éloigner du champ politique. "Je serais très heureuse de voir les hommes et les femmes de ce pays faire de la véritable politique, non celle du ventre. J'aimerai bien les voir avoir de vraies opinions, quelles qu'elles soient. En cela, je les respecterai car je suis une démocrate.Qu'ils restent et qu'ils maintiennent les mêmes convictions, au même endroit, même si ça ne va pas " souligne-t-elle.

Selon elle, la stabilité dans les idées et dans les convictions politiques, loin des migrations et des défections, sont loin de l'honnêteté intellectuelle que le peuple attend de ses élites, car poursuit-elle "l'essor économique d'un pays est lié à sa stabilité et à la maturité de sa classe politique".

Les intellectuelles.

Pour Tahra avoir beaucoup d'intellectuels dans un pays est une grande chance, surtout si l'intelligence est la chose la mieux partagée entre toutes les communautés. "Je suis tellement malheureuse de voir que très souvent nos intellectuels privilégient plus leurs intérêts personnels que ceux de la Nation et du peuple "

La musique mauritanienne.

Tahra Mint Hembara considère que la musique mauritanienne bat de l'aile. Et de s'exclamer "que font les artistes ? La création d'un institut ne suffit pas, il faut prendre le taureau par les cornes ", soulignant qu'il faut créer "des studios subventionnés par l'Etat " et que "les artistes ont besoin d'avoir une sécurité sociale parce qu'ils peuvent tomber ou crever sans que personne ne soient au courant ".

Elle donne son propre exemple, faisant remarquer que quand elle était tombée malade récemment, elle a été obligée de vendre ses terrains pour se soigner à l'étranger. "Est ce que les autres artistes possèdent des terrains ? " Se demandent. Conclusion pour elle, il faut développer une véritable politique sociale pour aider les franges les plus vulnérables de la société, pas les artistes seulement.

La journée de Tahra
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Tahra
a l'habitude de se lever tôt le matin. L'artiste, férue d'informatique, travaille beaucoup sur le Net et sur la musique pendant toute la matinée. Elle est aussi commerçante, ce qui ne l'empêche pas d'avoir un réseau fourni de contacts. Elle écrit également beaucoup sur la vie de notre société. "Comme je n'ai pas de pression sur mon temps, je peux arrêter et écrire, tout en m'adonnant à d'autres activités, comme l'entretien de la maison par exemple" certifie-telle.

Après la sieste, Tahra sort si elle n'a pas de visites ou bien fait des courses pour remplir le frigo. Tahra est aussi adepte de la marche à pied. L'occasion pour elle de lancer un appel solennel pour la pratique du sport. " Quand on n'a pas une activité sportive, on se suicide simplement " soutient-elle. Dans son enfance, Tahra se rappelle avoir fait de la gymnastique, mais qu'actuellement, elle fait des marches de 30 à 45 minutes soutenues.

L'artiste aime prendre le thé, surtout le thé anglais, qu'elle sirote dans son jardin qu'elle arrose et dont elle prend beaucoup de soin tous les jours. Tahra est aussi une branchée des médias d'informations. En matière professionnelle, Tahra a déjà publié un album à Paris intitulé " Yamen Yamen ", une production de Pathé Fackoly.

C'était avant son mariage. Elle prépare actuellement un second album qu'elle a nommé "Bismi La Mone". En termes de difficultés, Tahra en a connu tout au long de sa carrière, dont entre autres la difficulté à trouver un studio d'enregistrement, le manque de sérieux et de professionnalisme de certains artistes locaux.

"J'ai avec moi de jeunes artistes que je harcèle chaque jour pour venir répéter. J'ai eu du mal à leur dire que faire la musique, ce n'est pas de prendre son instrument et de chanter. Un morceau de 4 minutes, pour qu'il soit bien fait, nécessite une répétition de 4 mois ". Et de laisser tomber "ils ne sont pas sérieux dans les rendez-vous, dans le travail et tout le monde en souffre".

Famille-profession-religion


A propos de la famille, Tahra est fataliste. "Je ne suis plus une fille, je suis une femme mûre. Sincèrement je ne souffre pas de l'absence de famille. Je suis très contente de tous ce que le bon Dieu m'a donnés. Je pense que si je n'ai pas eu d'enfants, c'est parce que c'est mieux pour moi, sinon le bon Dieu m'en aurait donné " avoue-telle.

Tahra se défend d'être une sœur musulmane, ni parente musulmane. Elle se dit être musulmane tout court. . "Nous avons appris depuis toujours à chanter, que ce soient les hommes ou les femmes, le problème à ce niveau ne se pose pas. " Elle dit espérer qu'il en soit toujours ainsi, sinon dit-elle "si on touche à cette liberté-là, ce sera très monstrueux puisqu'on peut être malhonnête avec le bon Dieu ".

Amis et ennemis.

Pour elle son meilleur ami a toujours été son cousin germain, Baba Ould Hembara, avec qui elle fait souvent des "duos " et qu'elle accompagne souvent avec sa "Tidinit ". "Je me propose, puisque la TVM ne m'invite pas et ne fournit pas d'effort pour cela, à faire une production clé-à-main où j'inviterai Baba Ould Hembara à jouer avec moi. Cette production sera offerte à mon public mauritanien que je respecte beaucoup " déclare-t-elle

A propos de ses ennemis, Tahra sans faux rires lance "j'ai des ennemis, Dieu soit loué et j'en ai beaucoup. ils disent des choses sympa à mon égard ; comme par exemple que je ne suis pas une vrai Toubab au sens péjoratif du terme " Et de lancer comme pour se consoler "je pense tout le monde à des ennemies ". C'est aussi un fin gourmet et une excellente cuisinière. Elle raffole des grillades de poisson pendant le jour et de salade au poulet avec vinaigre et moutarde la nuit.

"Ce qui ont bouffé de mes mets s'en souviennent encore " dit-elle dans un éclat de rires. Mais ajoute-t-elle, avec son humour décapant, "je plains mes ennemis, car ils ne pourront malheureusement pas en, déguster.

Cheikh Oumar N'Diaye
Source: L'Authentique (Nouakchott)

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