Valéry Ndongo, naît en 1980 à Obala, petite ville de la province du centre Cameroun, à une trentaine de kilomètres de Yaoundé la capitale.
C’est en 2003, encouragé par ses amis, en particulier Jean-Claude Awono, président de la Ronde des Poètes, qu’il décide de monter son premier spectacle d’humour qu’il présente au grand public en janvier 2004 au Centre Culturel Français de Yaoundé.
En créant l’association Africa Stand Up, qui organise les "stand up night show", Valéry Ndongo est devenu, en quelques années, le véritable pionnier de cette nouvelle génération d’humoristes.
Il était ce mercredi 13 avril à l’Institut Français de Mauritanie pour présenter son One Man Show, Bienvenue O Kwat. Interview.
Cridem : Votre spectacle d’humour, Bienvenue O Kwat (quartier), s’ouvre avec la mythique chanson, Indépendance tcha-tcha de l’African Jazz de République Démocratique du Congo (ex-Zaîre). Qu’est-ce que ce morceau réveille en vous ?
Valéry Ndongo : J’ai choisi ce morceau à dessein, dans le cadre de l’année du cinquantaire d’indépendance de la majorité des pays africains. C’est une façon de se demander ce qu’on a fait, de s’interroger sur les progrès que nous avons réalisé, pour envisager la suite. Dans le spectacle, il y’a toute une partie réservée à des questionnements purement politiques comme par exemple l’amitié de nos dirigeants avec les dirigeants français, les rapports Noirs/Blancs. J’ai choisi cette chanson, parce qu’à mon avis, elle incarne bien la question indépendance tcha-tcha ou indépendance réelle.
Cridem : A écouter l’histoire que vous racontez dans Bienvenue O Kwat, on se dit tout de suite que vous l’avez personnellement vécue tellement qu’elle vous ressemble. Qu’en est-il exactement ?
Valéry Ndongo : Il y’a dans ce spectacle des histoires que j’ai vécues et d’autres dont j’ai été spectateur. Il y’en a des histoires que d’autres ont vécu et que l’on m’a raconté ou que j’ai entendu parler. C’est tout cela que j’ai repris dans le spectacle. Mais, il y’en a certaines histoires que j’ai personnellement vécues.
Cridem : Il y’a des questions politiques que vous soulevez dans votre spectacle. Parmi celles-ci, la présence chinoise en Afrique. Qu’avez-vous par là voulu dénoncer ?
Valéry Ndongo : Je ne sais pas si c’est une façon de dénoncer, mais, pour moi, c’est une manière de rappeler qu’en Afrique, les choses commencent tout doucement. C’est dans 30 ans qu’on va se dire qu’il y’a trop de Chinois en Afrique. Les Chinois sont en train d’envahir le continent Africain et nos dirigeants donnent l’impression de ne pas prendre la mesure de la situation. On ne sait pas sur quelle base, à titre d’exemple, leurs produits rentrent en Afrique. Dans 40 ou 50 ans, on risque de se retrouver dans une situation compliquée. Tout simplement, parce que, dès le départ, on n’a pas su prendre les devants. Cela risque d’être comme les relations françafricaines.
Cridem : Vous mettez en parallèle, dans une ironie extraordinairement drôle deux mondes différents : celui des Noirs et celui des Blancs. Qu’est-ce que vous mettez en exergue ?
Valéry Ndongo : J’ai voulu mettre en exergue le dialogue des sociétés, des cultures et des peuples. On a beau dire qu’il n’y a pas de différence mais malheureusement, dans les rapports quotidiens Noirs/Blancs, il y’a toujours des couacs. Ceci constitue la source de beaucoup d’incompréhensions. Pour plusieurs Noirs, le Blanc reste inaccessible, la femme blanche encore plus. Pour plusieurs Blancs, le Noir reste primitif, le Noir n’est pas quelqu’un de super intelligent avec qui l’on peut faire des affaires sérieuses. C’était important pour moi de parler des rapports Noirs/Blancs. Cinquante ans après les indépendances, est-ce que les mentalités ont changé et est-ce que les gens se parlent uniquement en tant qu’humains ? A mon avis, ce n’est encore vraiment le cas. Il y’a des gens qui ont dépassé cela. Mais, au niveau des populations, il y’a un travail à faire afin que les Noirs regardent les Blancs comme des personnes et vice versa.
Cridem : Vous terminez votre spectacle en appelant les Africains à évoluer avec le temps et à prendre leur destin à bras-le-corps. Pourquoi tenez-vous autant à ce qu’ils changent ?
Valéry Ndongo : Lorsque je dis qu’il est temps que l’on change de vie chez nous, cela veut dire tout simplement qu’il est temps qu’on fasse des choses pour nous dans nos pays. Ce n’est pas une invite à dire qu’il ne faut point voyager. Le voyage, c’est important. Que ceux qui le peuvent le fassent. Que ceux qui ne le peuvent pas restent. L’important, pour moi, c’est de changer les conditions de vie des Africains en Afrique. C’est à partir de ce moment là que les rapports avec l’Occident vont changer. Lorsqu’un occidental sait que chez toi, tu vis bien et tu gères bien ta vie, forcément, les rapports seront différents. Les Africains doivent changer avant d’espérer que les Occidentaux ne les regardent différemment.
Propos recueillis par
Babacar Baye Ndiaye pour Cridem