En matière de création et d’imagination artistique, les jeunes mauritaniens n’en manquent pas. Tout ce qui leur faut, c’est d’être soutenu par les pouvoirs publics. Lamine Kane en est une parfaite illustration.
A vous la scène, c’est lui. En plus de cela, il dispense des cours de musique gratuits ouverts à tous les publics. Dans le but uniquement de promouvoir la musique mauritanienne marquée par une carence en termes de musiciens.
On l’a rabâché à plusieurs fois. Le centre culturel français de Nouakchott ne peut pas tout faire à lui seul. Il est grand temps maintenant que le ministère de la culture s’implique dans la promotion de nos artistes musiciens qui manquent énormément de lieux de production et de rencontres.
Le développement de la musique mauritanienne, ce n’est pas uniquement l’affaire de Malouma Mint Meydah, de Tahara Mint Hembara, de Dimi Mint Abba, de Thiédel Mbaye, d’Ousmane Gangué pour ne citer que ceux-là. C’est l’affaire d’abord du gouvernement mauritanien qui doit mettre en place une politique efficace en matière de promotion culturelle.
Sur ce point, l’initiateur d’A vous la scène ne sait pas tourner autour du pot quand il s’agit de dire la vérité, rien que la vérité. "Je n’accepte pas qu’on ait un ministère de la Culture qui ne fait rien pour les artistes. Ce n’est pas le fait d’organiser des prix qui va sortir la musique mauritanienne du creux de la vague. Il faut appuyer les artistes. Il faut ouvrir les maisons des jeunes et y mettre du matériel pour qu’ils puissent s’exprimer."
Cela pourrait permettre, à son avis, d’annihiler le taux de chômage, de banditisme et de criminalité. Car, rajoute-t-il, il y a beaucoup de jeunes musiciens, comme lui, qui ont d’énormes projets dans la tête. "Mais ce qui leur manque, argumente-t-il, ce sont les moyens."
Les initiatives existent, selon lui, mais il faut qu’elles soient soutenues par les autorités en premier lieu par le ministère de la Culture. Sans cela, très peu de mauritaniens vivront convenablement de leur musique. Comment faire donc pour améliorer cette situation désarmante ? "Il faut qu’on soit aidés (les artistes de manière générale, Ndlr). Nous seuls, nous ne pouvons rien faire!", explique-t-il, regrettant l’absence de volonté politique pour faire la promotion de la culture mauritanienne. "Non seulement la culture est un facteur de développement social et économique, développe-t-il, mais c’est aussi un facteur de stabilité et d’unité."
La réconciliation nationale qu’on clame, à longueur de journée, c’est à travers, dit-il, la culture qu’on pourra y arriver. "Il n’y a pas d’autres alternatives", professe-t-il. L’initiateur d’A vous la scène demeure convaincu, malgré les problèmes de tout bord, que la musique mauritanienne est sur les rails. "Le terrain est encore vierge, reconnaît Lamine Kane. Nous avons un rythme de tortue mais on va y arriver."
Passionné de musique, il compte bientôt monter un Centre de Formation Musicale. Lorsqu’on a des partenaires comme Machéo Parker (saxophoniste de James Brown), Steve Coleman, Richard Bonna, Salif Kéita, Manu Katché, Moctar Samba, on ne peut que renifler l’air du paradis. "Tous ces gens-là sont régulièrement mis au parfum de l’évolution de ce projet", renseigne-t-il.
L’argent nécessaire pour acheter le matériel est de 2 millions d’ouguiyas. Le Centre Culturel français de Nouakchott sera un partenaire de ce grand projet culturel qui sera logé dans un premier temps dans la salle polyvalente du CCF. "Mais je souhaite avoir mes propres fonds pour construire notre propre centre de formation", confie-t-il.
A vous la scène est né dans le but de rapprocher davantage les musiciens mauritaniens et de les promouvoir. Quatre mois après le début de cette aventure musicale, Lamine Kane semble être traversé par une lumière d’optimisme. "Au début, on avait fait le programme sans pour autant penser au public. J’avais fait A vous la scène pour tous les musiciens qui veulent chanter, jouer de la musique sans pour autant attendre que le public soit là ou non. Du moment qu’on a vu que le public s’intéressait à ça, on a essayé maintenant de réorganiser la chose pour qu’elle soit plus agréable et beaucoup plus appréciée par le public."
A vous la scène du mois de mai recevait Thiédel Mbaye avec la présence de la TVM Plus sous forme d’un plateau télévisé. Une première à A vous la scène.
"Je pense qu’il faut changer de temps en temps pour ne pas tomber dans la routine", explique Lamine Kane. Le budget d’A vous la scène est de 30.000 UM données entièrement par le Centre Culturel Français. Et Lamine Kane a été très clair avec les artistes en ce qui concerne les primes de prestation. "Je ne peux pas inviter des artistes comme Thiédel Mbaye, Ousmane Gangué, Noura, Amath Kâ, Walfadjri Groupe…et leur donner 30.000 UM alors que ce sont des professionnels. Alors, je leur ai dit : la buvette est là. Vous voulez boire, buvez ! Vous voulez manger, mangez ! Je paierai. Quand vous rentrez, je vous donne votre billet de transport. Ou alors, si vous voulez, je prends 3 têtes d’affiches et je leur donne chacune 10.000 UM"
Pur produit des frères Athié qui l’ont initié aux rudiments de la musique en 1994, Lamine Kane est exacerbé lorsqu’il entend dire qu’il y a une musique qu’on peut qualifier de typiquement mauritanienne. "Je ne peux pas prendre Ousmane Gangué et dire que c’est ça la musique mauritanienne. Tel ne se verrait pas dedans. La musique de Yélinkaré, tel autre ne se verrait pas dedans. Il nous faut asseoir une musique où tout le monde se verrait dedans. La musique doit être un miroir", soutient-il.
Cela est du ressort de la responsabilité des artistes musiciens mauritaniens et c’est bien possible. Car, presque chaque pays a une musique dans laquelle tout le monde s’identifie. Et pourquoi pas en Mauritanie ?
Babacar Baye Ndiaye