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8 octobre 2008 3 08 /10 /octobre /2008 12:30

Moussa Sarr 

Moussa Sarr est un chanteur-guitariste. A 41 ans, il ne fait plus figure de débutant et il a démontré de solides arguments à faire valoir ce mardi 7 Octobre 2008 au Centre Culturel Français où il ouvrait le bal des concerts K’fet de l’année, un moment inédit de distraction et de saveur à découvrir.

 

Contrairement à certains artistes qui ne croient plus en eux, en leur musique, en leur force du fait d’un milieu musical très hostile et où il est très difficile de se faire un nom, au pays d’un million de poètes, lui, il enfourche sa détermination croyant dur comme fer qu’il peut lui servir, sans aucun état d’âme, de cheval de Troie.

 

Très tôt, il se passionne de musique. Adolescent déjà, il ne rêvait que d’une seule chose : devenir comme ses oncles en suivant leurs traces. Tous ces oncles ont flirté avec la musique. Et, certaines de ses tantes. Chez lui, la musique est une affaire de famille et non de showbiz. C’est une passion et rien d’autre. On n’est pas appâté par l’argent. C’est un penchant naturel et dépouillé de toutes considérations financières.

 

Un de ses oncles du nom de Samba Lô a fait ses beaux jours et ses belles nuits, à l’Orchestre National de Mauritanie. Un autre aussi, du nom de Gamby Lô a longtemps accompagné certains groupes de Kaédi. En les côtoyant, il voulut très tôt devenir comme eux : une star de la musique, adulée et écoutée par tout le monde.

 

Marié et père de 4 enfants, cela ne l’empêche pas de vivre pleinement sa musique, avec discrétion et sans l’appui de personne. Et, n’en déplaise aux autorités, celles sensées promouvoir la culture et les arts dans notre pays : la musique se développera sans elles. Elles ont montré leurs limites et leurs possibilités. C’est une question d’ambition et des ambitieux, du genre de Moussa Sarr, hargneux et déterminé, la Mauritanie en regorge des centaines de milliers.

 

Le parcours de Moussa Sarr est assez singulier. Il fut d’abord danseur. Il s’y fera remarquer. Mais, aussi, à Kaédi, à l’école, il faisait du théâtre populaire. C’était vers la fin des années 80. Par la suite, il se lance dans la musique. Il sera astreint, pour joindre les deux bouts, d’exercer parallèlement les métiers de peintre en bâtiment et de carreleur, tellement les difficultés sont insoutenables. C’est par la suite qu’il se résolut à abandonner de tels métiers où il gagnait beaucoup pour se consacrer exclusivement à sa carrière de musicien.

 

Son premier texte qu’il écrira, "Sourga"(célibataire en Français), évoque les difficultés de la vie que rencontrent les jeunes notamment célibataires. Cette composition va marquer son entrée dans la scène musicale. On est en 1992. A cette époque, il se sentait pousser des ailes. Plus qu’une description d’une jeunesse en mal de réjouissance, ce morceau est avant tout un clin d’œil à la contrariété que vit cette jeunesse.

 

Cet homme à l’allure juvénile est originaire de Kounguel à 54 km de Kaédi au Sud de la Mauritanie. Pour cause d’études, il quitte très tôt son village natal en destination de Kaédi, ville qui le révélera au grand public. Il y fait ses études primaires. Mais, en première année collège, un bon jour, il décide contre toute attente de ses parents, de laisser définitivement les études pour faire de la musique. Depuis ce jour-là, il y est resté malgré les âpretés de la vie de musicien.

 

Au moment où il prenait cette décision, il n’avait pas encore atteint sa dix-huitième année. Comme certains jeunes de sa génération, il ne croyait pas aux études. Il était déjà emporté par la fièvre musicale qui régnait à Kaédi. Il céda devant la pesanteur et l’influence de la musique. Surtout, dans une ville comme Kaédi, réputée être un carrefour musical et une ville qui a produit de grands musiciens.

 

Sa musique est un miroir de la société mauritanienne et puise dans les différentes sonorités musicales des autres communautés du pays. Un mélange ingénieux de tout, de toutes les couleurs musicales du pays. Représentative, elle se veut aussi ouverte. Son objectif : imposer sa musique dans l’oreille des mauritaniens. Lui aussi, il est venu avec son propre style. Son groupe qu’il a créé depuis 1996 est à l’image de sa musique. Il est entouré d’étrangers et de mauritaniens de diverses cultures. Ce qui ajoute à sa musique une certaine authenticité.

                 

La musique n’est plus l’apanage des griots. L’essentiel, c’est d’avoir la voix, de savoir bien chanter et surtout de faire plaisir pendant de bonnes heures. Avec 9 morceaux joués ce 7 Octobre au Centre Culturel Français, il a séduit le public. Moussa Sarr, en effet, n’est pas un blanc-bec dans le domaine de la musique. Sa musique se nourrit de la folk music, de la musique guinéenne et des ballades. Avec 3 guitares, un hoddu (un instrument monocorde) et une batterie, il allie musique moderne et musique traditionnelle.

 

Avec une musique soft et open, il parvient à ressusciter les mélodies de la musique traditionnelle. Moussa Sarr est un artiste moderne, émancipé et soucieux de l’avenir de l’humanité. Comme disait l’autre, tout ce qui est humain ne lui est pas indifférent. Il sait aussi être narquois, registre où il excelle pas mal, notamment en direction des célibataires sur qui il ne tergiverse pas à décocher des flèches. Même s’il manque d’originalité dans la conception musicale, les thématiques qu’il aborde sont remarquables par leur densité et leur message.

 

Dans la vie d’un artiste, il y a des moments qui constituent une étape très importante. Son concert du 7 Octobre en était une. Il espère apporter sa modeste contribution pour changer la musique en Mauritanie. Lui qui a su tirer profit de l’expérience de ses oncles en les côtoyant à bas âge utilise sa musique pour sensibiliser les populations sur certaines maladies et certains problèmes liés à la vie.

 

Ses morceaux s’inspirent de la vie des mauritaniens et de certaines réalités : le célibat, la dépigmentation, le bouleversement des mœurs… Ils abordent aussi certains thèmes d’actualités comme la mondialisation et les échanges culturels. Son micro lui sert d’arme pour aussi fustiger certaines pratiques sociales et coutumières comme les mariages précoces ou forcés.

 

Il a chanté le sida, une manière pour lui de sensibiliser les populations sur cette maladie qui a tué plus de 25 millions d’individus depuis 1983, date de sa découverte. Il est aussi un pair- éducateur. Il a reçu une formation dans ce sens. Depuis 5 ans, il travaille avec une ONG locale du nom de "Nedwa". Avec son groupe, il a fait de nombreuses tournées partout en Mauritanie avec cette ONG pour sensibiliser sur certaines maladies comme le sida, la tuberculose…La musique au service de la société, telle est sa conception, pour faire passer le message.

 

Malgré tout son talent, c’est comme si la guigne le poursuivait. Car, jusqu’à présent, il a du mal à sortir son premier album. Une réalité auxquels sont confrontés les artistes mauritaniens. Et, si son album déjà enregistré en France n’est pas sur le marché national, c’est pour cause de duplication qui coûte énormément chère. La date de la sortie de son album, prévue en 2009, risque ainsi d’être repoussée. Il compte sur l’appui du Centre Culturel Français pour sortir son 1ier album.

 

C’est un handicap permanent que vivent les musiciens mauritaniens. Mais que faire ? Ils n’ont d’autres choix que de solliciter l’appui de "mains étrangères" pour pouvoir sortir leur album. Depuis 1996, date de la création de son groupe "Jaalal Leñol" ou "le Pilier du Peuple", il n’arrive pas à sortir son premier album. Il n’est pas le seul artiste à le vivre. Ceux qui sont en mesure de pouvoir aider la musique mauritanienne à se développer tergiversent toujours à mettre la main dans la poche pour soutenir un tel ou tel artiste.

 

Réussir musicalement en Mauritanie, c’est faire le chemin de la croix. "Le public mauritanien n’apporte rien à ses musiciens", constate-t-il. "On a fait des concerts gratuitement. Mais pour que le public vienne, c’est un problème", s’indigne-il. Une carrière internationale ? Il y pense déjà ! Car, pense-t-il, c’est la voie du Salut, pour l’artiste mauritanien.

 

Pour agrémenter de sel sa soirée du 7 Octobre dernier, au Centre Culturel Français, il a invité des artistes comme Monza, Ousmane Gangué, Fama Mbaye, Guéladjo Bâ, Dioba…qui sont venus témoigner leur amitié à Moussa Sarr en apportant, dans leurs bagages, le feeling et le punch qui faisaient défaut à son concert. Même si la musique ne lui a rien apporté, il trouve du plaisir à égayer le public mauritanien. Il voyage de temps à autre à l’intérieur du pays, notamment au Sud, en France et au Sénégal voisin, dans les villages bordant le fleuve Sénégal, où il est bien apprécié. D’ailleurs, il compte y promouvoir largement sa musique.

 

Babacar Baye Ndiaye

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