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15 janvier 2011 6 15 /01 /janvier /2011 14:16

bios-diallo.jpgLe journaliste culturel et écrivain mauritanien Bios Diallo a publié son  quatrième ouvrage titré : Une vie de sébile. Un roman qui retrace la douloureuse cohabitation entre citoyens mauritaniens et sénégalais à la suite des évènements de 1989.

 

"C’est un livre qui essaie de retracer la vie d’un peuple indivisible de par sa diversité culturelle et linguistique. Un peuple qui malheureusement a été secoué par cette parenthèse de 1989 et qui a semé le doute dans les esprits pour la cohabitation", explique Bios Diallo, venu au Sénégal pour les besoins du troisième Festival mondial des arts nègres.

 

Profitant de cette aubaine pour présenter son ouvrage, l’auteur indique également que "l’amour tumultueux entre Bayel et Haamé, les deux tourtereaux du roman, est celui de la quête d’une réconciliation. La paix et le pardon passent par la liberté de la parole".

 

C’est d’ailleurs de là, que le roman  tire son caractère hybride. Hybride parce qu’on y retrouve une incursion de mots pulaar, soninké et maure, les langues nationales les plus parlées en Mauritanie. Une vie de sébile, c’est aussi un style. Un style de l’auteur, qui donne une large place à la narration.

 

Et, en décrivant les choses à sa manière, Bios Diallo arrive à restituer un récit commun, qui finalement ne fait aucun doute sur la véracité des faits. Il confie lui-même : "Bien que cela soit une fiction, j’ai quand même essayé de faire une description d’une scène que tous les rapatriés avaient l’habitude de voir durant leur expulsion. C’est l’histoire d’un homme qui ne connaît qu’un seul pays et qui se fait expulser de force vers l’inconnu."

 

Cette description narrative est immédiatement suivie d’un dialogue symbolisé par des personnages principaux de ce roman, dont leur nom est tout aussi évocateur, "Haamé" (remord en pulaar) et "Bayel" (orphelin en pulaar).

 

"A travers la radicalité des dialogues, la confrontation est sciemment faite entre Haamé et Bayel. Cette dernière, d’ethnie pulaar, meurtrie par le drame ayant frappé sa famille, revendique la vengeance. Ce que Haamé, métis maure et pulaar, et dont une partie des siens est désignée comme fer de lance de la machine répressive, refuse", mentionne Bios Diallo d’après qui, le métis essaie de convaincre son interlocuteur en arguant que "la vengeance n’a jamais apaisé un peuple, une Nation".

 

Le peuple mauritanien a toujours été un peuple soudé, attestent les écrits de l’auteur. Il témoigne lui-même : "Les négro-Mauritaniens et les Arabes ont toujours été frères et sœurs, des siècles durant. Ils s’étaient toujours aimés et respectés. Chaque famille peulh ou soninké avait son Maure, et chaque concession maure avait son kowri, pularr, soninké ou wolof. Le tissu s’est subitement abîmé en 1989…"

 

En clair, Une vie de sébile montre la difficulté de cohabitation entre les citoyens d’une Nation en crise, mais également caresse l’espoir d’une nouvelle cohabitation dans la paix. Et c’est là tout le mérite de ce roman où Haame et Bayel, Roméo et Juliette des dunes, confrontent les identités dans un pays en sursis.

 

Ainsi donc, bien que l’ouvrage conte l’histoire d’une Mauritanie en quête de ses valeurs, l’auteur est aussi d’avis que le peuple se réconciliera si les autorités politiques continuent sur leur ambition de redonner au pays son lustre d’antan.

 

"Avec Ely Ould Mohamed Vall il y a eu l’ouverture démocratique, avec des journées nationales de concertation ayant occasionné des confessions difficilement soutenables en d’autres temps. Sidi Ould Cheikh Abdallahi a ouvert la porte du retour aux réfugiés. Et Mohamed Ould Abdel Aziz, l’actuel Président, poursuit l’œuvre et, nous dit-on, d’ici à fin décembre tous les anciens réfugiés retrouveront leur pays. Par conséquent j’invite les pouvoirs politiques à œuvrer cette pacification", a affirmé Bios Diallo.

 

Outre Une vie de sébile, Bios Diallo a aussi publié Les pleurs de l’arc en ciel, Les os de la terre, et son troisième livre porte sur le mariage chez les peulhs et a été préfacé par Cheikh Hamidou Kane.

 

Par Mamadou S. GACKO

Source : Le Quotidien (Sénégal) du Lundi, 10 Janvier 2011

 

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9 janvier 2011 7 09 /01 /janvier /2011 18:11

Habib MahfoudhLe premier volume des "Mauritanides", la célèbre chronique de Habib Ould Mahfoudh qui construisit, entre autres, la notoriété du journal Le Calame, sera, prochainement incha Allahou, publié chez Karthala.

 

C’est ce que vient d’annoncer Elemine Ould Mohamed Baba, le coordinateur de l’édition des Mauritanides, "chronique du temps qui ne passe pas", comme Habib aimait à l’écrire. Dans une déclaration au Calame, Elemine, chercheur en Histoire et enseignant à l’Université de Nouakchott, a précisé que les textes de Habib recueillis à ce jour constituent un corpus de 640 pages.

 

Avec cette édition, la critique littéraire aura du pain sur la planche pour distinguer les différents genres couverts par cette chronique parue entre 1989 et 2001, dans les journaux Mauritanie-Demain puis Al-Bayane et, enfin, Le Calame.

 

Gigantesque travail de mémoire qu’Elemine et l’Association des amis de Habib ont réalisé, dans un pays où l’archivage fait défaut. Rappelant que Habib avait écrit un poème, primé en 1977, et une pièce de théâtre, au cours de la même période, Elemine qualifie le fondateur du Calame, de "génie de la plume et vrai poète, dans un pays qui en compte un million de faux", pour reprendre l'expression d'une sommité du monde de la presse, Abdoulaye Ciré Bâ.

 

Brillant, avec un sens remarquable de la formule, Habib Ould Mahfoud, qui s’est éteint le 31 octobre 2001, aura marqué, d’une empreinte indélébile, la presse indépendante et écrit les plus belles pages de l'histoire de la littérature, en Mauritanie.

 

Lors du festival littéraire "Traversées de la Mauritanie", le coordinateur de l’édition des Mauritanides avait, brillamment,  présenté Habib Ould Mahfoudh, en dégageant trois influences subies par le jeune enfant, dans son environnement familial: celle de la mesure et de l’humilité (Awlad Dayman), celle de la vivacité et de la spontanéité (Awlad Ahmed Min Daman), et celle de la candeur et de l’endurance (Al-Gur’).

 

Pour éclairer les autres dimensions de la personnalité de Habib, Elemine a donné la lecture d’un certain nombre d’hommages. Pour Zekeria Ould Ahmed Salem, ancien secrétaire général des ministères de l’Enseignement supérieur et du Développement Rural, par ailleurs politologue, "personne, dans l’histoire récente de la Mauritanie, ne peut se prévaloir d’une telle quantité de connaissances sur sa propre société, alliée à une parfaite maîtrise des grandes et moins grandes questions culturelles du monde actuel et qui soit capable de les restituer dans une écriture aussi parfaitement maîtrisée".

 

Selon Mohamed El Moctar Ould Sidi Haiba, Habib "s’est, vaillamment, illustré, par son refus, catégorique et assumé, de succomber aux chimères malveillantes du nationalitarisme et des idéologies ethnocentristes, en vigueur dans notre pays, à la fin des années 1980. Il fustigea, avec vigueur, les passions qui obscurcissaient nos cœurs et nos esprits pour faire entendre la voix de la raison et de la vérité".

 

Abdoulaye Ciré Ba le décrit comme "le plus maure des intellectuels de la Francophonie; le plus universel des troubadours maures. Un homme hors norme: insouciant, insoucieux, généreux, modeste, bordélique, génial, intarissable, timide, maniaque du mot juste, insoumis et, pourtant, rebelle à toute vanité, incorruptible, d’une capacité d’indignation sans égale, fidèle en amitié, respectueux de l’autre, intolérant seulement à l’égard des médiocres et cons de tout acabit. Un homme entier, un homme éclaté, un homme cohérent et absurde".

 

Pour Abdel Wedoud Ould Cheikh, Habib "a fait tinter, aux oreilles des courtisans, des biens pensants et des apôtres, des mots, des calembours et des anecdotes dont les échos ravageurs ne sont pas près de s’estomper. Et si ce fut dans une langue venue d’ailleurs – au demeurant admirablement maîtrisée –l’infusion généralisée des tournures, des expressions et des références, à sa culture native, font affleurer, partout, l’insécable entrelacement du dehors et dedans, du proche et du lointain, du local et du planétaire. Une manière, en somme, de clin d’œil, permanent, de Nyivrâr à la Terre entière que ce français miné de "hassanismes" devait transmettre au monde. Car l’homme n’était pas, seulement, écrivain et essayiste, il était, avant tout, un admirable artisan de l’imaginaire, un conspirateur de ces enchaînements improbables qui font, tout d’un coup, basculer le réel dans le solvant, magnifiquement pervers, que lui tend le langage".

 

Mamadou Thiam (Le Calame_Mauritanie)

 

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2 août 2010 1 02 /08 /août /2010 19:12

Almaami-Abdoul-Kader-Kane.jpgPlus de 250 ans après sa mort, la vie d’Abdoul Kader Kane qui a été désigné par ses pairs intellectuels Torobbe comme premier Almaami du Fouta-Toro (regroupant le nord du Sénégal et le sud de la Mauritanie) après leur victoire contre le pouvoir Denyanké qui a régné sur le Fouta-Toro de 1512 1776 suscite de plus en plus d’intérêts chez les chercheurs africains.

 

Dans son dernier livre intitulé "Lumières noires de l’humanité : inventeurs, héros, artistes et sportifs", le Dr Oumar Dioume de l’Institut Fondamental d’Afrique Noire (I.f.a.n.) de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar lève un coin du voile sur la vie de l’Almaami Abdel Kader Kane.

 

De ce chef politique et religieux qui dirigea le Fouta-Toro de 1776 à 1806 ou 1807, on retiendra qu’il a été celui qui a interdit la traite négrière et donna l’indépendance nationale au Fouta-Toro. Le Dr Oumar Dioume nous apprend qu’Almaami Abdoul Kader Kane, au non des principes de la défense des droits de ses mandants, a, treize ans avant la Révolution française de 1789, interdit la traite négrière dans son pays.

 

Avec cette interdiction de la traite négrière, l’Almaami Abdoul Kader Kane emboita ainsi le pas aux Quackers (secte chrétienne) de Philadelphie qui étaient les seuls dans le monde à avoir aboli l’esclavage aux Etats-Unis d’Amérique en 1776.

 

D’ailleurs, ce caractère révolutionnaire de la lutte d’Almaamy Abdoul Kader Kane contre la traite négrière est corroboré par le Professeur Oumar Kane dans son livre de référence "La première hégémonie peuhle, Le Fouta Toro de Koly Tengella à Almaamy Abdoul, 1512 à 1806".

 

Dans le même ordre d’idées, dans son récit intitulé "Observations sur la traite des nègres, avec une description de quelques parties de la côte de Guinée, durant un voyage fait en 1787 et 1788 avec le docteur A. Sparganier et le capitaine Arrhenius", le suédois Carl Bernard Wadstrom confirme cette particularité.

 

"La conduite du roi actuel d’Almaamy (autrefois grand marabout) est plus intéressante pour l’humanité et prouve la fermeté du caractère mâle des Nègres lorsqu’ils ont acquis quelques lumières. Comme son esprit a été plus cultivé dans sa jeunesse que celui des autres princes noirs, il s’est rendu tout à fait indépendant des Blancs. Il a non seulement défendu la traite des esclaves dans ses Etats, mais (en 1787) il n’a pas même voulu permettre aux Français de faire passer par ses Etats les captifs de Gallam. Il rachète ses propres sujets lorsqu’ils ont été pris par les Maures, et il les encourage à élever des troupeaux, à cultiver la terre et à exercer leur industrie de toutes les manières", avait écrit Carl Bernard Wadstrom.

 

Les faits sont là et les témoignages sur l’action de l’Almaamy Abdel Kader Kane d’abolir la traite négrière sont nombreux. Cet homme qui "a porté sur le trône plus de lumière que ses prédécesseurs" a tenu tête face au colonialisme français qui "a excité contre lui les Maures qui l’ont attaqués et qu’il a vaincus" reste aux yeux de Pruneau de Pommegorge, ancien membre du Conseil du Sénégal, celui qui "a défendu  dans tout son pays les pillages, ni de faire aucun captif ; et, enfin par d’autres moyens politiques (et au fonds très humains) il est parvenu à repeupler son vaste royaume, à y attirer des peuples qui y trouvent leur sûreté.(…).ainsi voilà un homme d’une contrée presque sauvage, qui donne une leçon d’humanité à d’autres peuples policés, en défendant dans tous ses Etats la captivité et les vexations".

 

L’Almaamy Abdoul Kader Kane va plus loin dans sa lutte contre la traite négrière en attaquant les royaumes négriers voisins comme ceux du Cayor et du Walo. Mais, il sera vaincu en 1790 à la bataille de Boungowi par le Damel Amari N’Goné N’Della Coumba aidé par le double jeu du Brack du Walo et la complicité du comptoir négrier de Saint-Louis qui a fourni à crédit des fusils au Damel moyennant le remboursement en esclaves en contrepartie.

 

Fait prisonnier par le Damel, l’Almaamy Abdoul Kader Kane n’a jamais renié ses convictions à savoir combattre la traite négrière et donner au Fouta Toro son indépendance. Son almaamyat a marqué le 18ième siècle. Ainsi, aucun des Almaamis qui l’ont succédé n’a remis en cause l’interdiction de la Traite négrière qu’il a décrétée en 1776.

 

Même si, le mode de dévolution du pouvoir à l’Almaami Abdoul Kader Kane et l’abolition de la traite négrière par l’Almaamyat du Fouta-Toro sont une contribution inestimable, il n’en demeure pas moins que cette contribution soit méconnue à la cause de la défense des Droits de l’Homme et notamment en Mauritanie.

 

Babacar Baye NDIAYE

 

 

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