Le premier volume des "Mauritanides", la célèbre chronique de Habib Ould Mahfoudh qui construisit, entre autres, la notoriété du journal Le Calame, sera, prochainement incha Allahou, publié chez Karthala.
C’est ce que vient d’annoncer Elemine Ould Mohamed Baba, le coordinateur de l’édition des Mauritanides, "chronique du temps qui ne passe pas", comme Habib aimait à l’écrire. Dans une déclaration au Calame, Elemine, chercheur en Histoire et enseignant à l’Université de Nouakchott, a précisé que les textes de Habib recueillis à ce jour constituent un corpus de 640 pages.
Avec cette édition, la critique littéraire aura du pain sur la planche pour distinguer les différents genres couverts par cette chronique parue entre 1989 et 2001, dans les journaux Mauritanie-Demain puis Al-Bayane et, enfin, Le Calame.
Gigantesque travail de mémoire qu’Elemine et l’Association des amis de Habib ont réalisé, dans un pays où l’archivage fait défaut. Rappelant que Habib avait écrit un poème, primé en 1977, et une pièce de théâtre, au cours de la même période, Elemine qualifie le fondateur du Calame, de "génie de la plume et vrai poète, dans un pays qui en compte un million de faux", pour reprendre l'expression d'une sommité du monde de la presse, Abdoulaye Ciré Bâ.
Brillant, avec un sens remarquable de la formule, Habib Ould Mahfoud, qui s’est éteint le 31 octobre 2001, aura marqué, d’une empreinte indélébile, la presse indépendante et écrit les plus belles pages de l'histoire de la littérature, en Mauritanie.
Lors du festival littéraire "Traversées de la Mauritanie", le coordinateur de l’édition des Mauritanides avait, brillamment, présenté Habib Ould Mahfoudh, en dégageant trois influences subies par le jeune enfant, dans son environnement familial: celle de la mesure et de l’humilité (Awlad Dayman), celle de la vivacité et de la spontanéité (Awlad Ahmed Min Daman), et celle de la candeur et de l’endurance (Al-Gur’).
Pour éclairer les autres dimensions de la personnalité de Habib, Elemine a donné la lecture d’un certain nombre d’hommages. Pour Zekeria Ould Ahmed Salem, ancien secrétaire général des ministères de l’Enseignement supérieur et du Développement Rural, par ailleurs politologue, "personne, dans l’histoire récente de la Mauritanie, ne peut se prévaloir d’une telle quantité de connaissances sur sa propre société, alliée à une parfaite maîtrise des grandes et moins grandes questions culturelles du monde actuel et qui soit capable de les restituer dans une écriture aussi parfaitement maîtrisée".
Selon Mohamed El Moctar Ould Sidi Haiba, Habib "s’est, vaillamment, illustré, par son refus, catégorique et assumé, de succomber aux chimères malveillantes du nationalitarisme et des idéologies ethnocentristes, en vigueur dans notre pays, à la fin des années 1980. Il fustigea, avec vigueur, les passions qui obscurcissaient nos cœurs et nos esprits pour faire entendre la voix de la raison et de la vérité".
Abdoulaye Ciré Ba le décrit comme "le plus maure des intellectuels de la Francophonie; le plus universel des troubadours maures. Un homme hors norme: insouciant, insoucieux, généreux, modeste, bordélique, génial, intarissable, timide, maniaque du mot juste, insoumis et, pourtant, rebelle à toute vanité, incorruptible, d’une capacité d’indignation sans égale, fidèle en amitié, respectueux de l’autre, intolérant seulement à l’égard des médiocres et cons de tout acabit. Un homme entier, un homme éclaté, un homme cohérent et absurde".
Pour Abdel Wedoud Ould Cheikh, Habib "a fait tinter, aux oreilles des courtisans, des biens pensants et des apôtres, des mots, des calembours et des anecdotes dont les échos ravageurs ne sont pas près de s’estomper. Et si ce fut dans une langue venue d’ailleurs – au demeurant admirablement maîtrisée –l’infusion généralisée des tournures, des expressions et des références, à sa culture native, font affleurer, partout, l’insécable entrelacement du dehors et dedans, du proche et du lointain, du local et du planétaire. Une manière, en somme, de clin d’œil, permanent, de Nyivrâr à la Terre entière que ce français miné de "hassanismes" devait transmettre au monde. Car l’homme n’était pas, seulement, écrivain et essayiste, il était, avant tout, un admirable artisan de l’imaginaire, un conspirateur de ces enchaînements improbables qui font, tout d’un coup, basculer le réel dans le solvant, magnifiquement pervers, que lui tend le langage".
Mamadou Thiam (Le Calame_Mauritanie)