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La moughataa de Rosso ressemble à un corps sans âme. Et, grâce au rap, cette ville monotone et jetée en pâture retrouve de temps en temps un semblant de vie. Mais, souvent, c’est sans compter avec l’austérité des forces de l’ordre qui trouvent parfois de malins plaisirs à imposer leur diktat sur une jeunesse qui a envie de s’envoler.
Alpha Sy est le président de l’Association Sportive et Culturelle (ASC) des jeunes d’Escale. Il s’étonne qu’une jeunesse comme celle de Rosso n’arrive pas à vivre ses aspirations et ses rêves. "La jeunesse rossossoise ne vit pas. Elle veut exister mais elle manque de liberté d’organiser des manifestations ou des soirées. A Rosso, à partir de minuit, la police se comporte comme en territoires occupés. Et, c’est comme si nous sommes des chèvres", rouspète-t-il.
D’ailleurs, à travers leurs textes, on sent cette envie de liberté notamment chez les rappeurs. A l’image d’Aldi-Soldier, c’est les groupes de rap qui portent le plus les revendications et les aspirations de la jeunesse de la ville de Rosso. Sur scène, ils ne ratent pas l’occasion de vouer aux gémonies la classe politique locale à qui ils reprochent de ne penser qu’à leurs propres intérêts. A Rosso, une conscience citoyenne est en train d’émerger petit à petit.
"A travers nos textes, on exprime notre mal-être, notre déception, l’injustice qu’on vit au quotidien, le peu de considération que les élus de la ville portent à notre égard. On dénonce leur hypocrisie, leur égoïsme et leur ambition à vouloir tout s’accaparer", râle l’un des membres du collectif de rap Aldi-Soldier.
Crier leur ras-le-bol par le biais du micro et chanter pour espérer que les choses changent à Rosso, c’est la seule arme dont disposent ces jeunes rappeurs. Aujourd’hui, de plus en plus, la ville de Rosso se vide de sa jeunesse frappée par le chômage. Ceux qui sont restés au bled tirent tant bien que mal le diable par la queue dans une ville où il n’y a rien pratiquement. Cette jeunesse a comme l’impression qu’on lui a tourné le dos. Il n’y a pas de maison de jeunes digne de ce nom pour une ville qui compte plus d’une cinquantaine de groupes de rap très créatifs mais malheureusement plombés. Ni de boîte de nuit. A part la salle "Ndillé", il n’y a pas de salles de spectacles.
"Nous manquons de tout, de moyens. Nous volons de nos propres ailes sans assistance. La municipalité ne nous aide pas. L’administration locale est aux abonnés absents", déplore Amadou Djanka alias Dj Kadjan. "Nous demandons à l’Etat d’implanter des sociétés dans la ville de Rosso pour y retenir la jeunesse. Il y’a de plus en plus de jeunes qui sont tentés par l’aventure parce qu’il n’y a pas de travail. Nous avons beaucoup de cadres à Nouakchott. Ils devraient penser à aider la jeunesse de Rosso qui est une jeunesse intelligente et motivée. Des phénomènes comme la délinquance juvénile sont presqu’inexistants à Rosso", poursuit-il.
Après s’être longtemps vue promettre le grand changement, la jeunesse rossossoise attend toujours qu’il s’opère. En attendant, ils vont devoir prendre leur mal en patience.
Babacar Baye NDIAYE