Il a sorti, à son actif, 4 albums dont le plus vendu demeure à ce jour "Le Poisson rouge" qui a remporté avec le single "J’pète les plombs" un très grand succès à la vente (200.000 albums vendus et 500.000 singles).
Ce single est inspiré par le film de Joël Schumacher Chute libre ou Falling Down en Anglais. Il a participé aussi à de nombreuses compilations et de mix tapes et fait de nombreux featuring avec des rappeurs très célèbres tels que La fouine, La boussole, Iron Sy, Diam’s, Akhenaton…
Il était de passage à Nouakchott dans le cadre d’une tournée africaine. Durant son concert de ce 11 Octobre 2008, il a foutu, lui son groupe, le bordel au Centre Culturel Français de Nouakchott.
Avant le début de son show, il nous a accordé une interview dans laquelle, il est revenu, entre autres sujets évoqués avec lui, sur la politique de Nicolas Sarkozy en matière d’immigration et de son fameux discours du 26 juillet 2007 prononcé à Dakar.
Le Rénovateur Quotidien : D’abord, que connaissez-vous du Rap mauritanien ? En avez-vous déjà entendu parler ?
Disiz la Peste : Oui, je connais deux groupes : Diam Min Tekky et Military Underground. Je suppose qu’il y en a plein d’autres. Mais, je n’ai rencontré que ceux-là à l’occasion d’un concert que j’étais venu faire par l’initiative de Moulaye Abass en hommage à son père par rapport au challenge Sidi Mohamed Ould Abass. Durant mon séjour à Nouakchott, j’avais demandé de rencontrer des groupes de Rap mauritanien et d’enregistrer un morceau avec eux. J’ai rappé avec eux et j’étais très content.
Le Rénovateur Quotidien : Et comment les avez-vous trouvés ?
Disiz la Peste : Sincèrement, très bons! Military Underground avait un côté beaucoup plus revendicatif et conscient. Diam Min Tekky était plus dans le flow même s’il dénonçait certaines choses. J’ai aimé cette diversité dans le Rap. Cela prouve qu’il y a une richesse et une ouverture d’esprit contrairement en France où on a un peu perdu ce côté-là. Les rappeurs hardcore ne se mélangent pas avec les rappeurs conscients et vice versa.
Le Rénovateur Quotidien : C’est votre deuxième fois de venir en Mauritanie en l’espace d’une année. Qu’est-ce que cela signifie pour vous de venir y jouer ?
Disiz la Peste : Vous savez : j’adore l’Afrique. Elle m’inspire énormément ! Ce n’est pas de belles paroles. C’est sincère. Le fait de revenir encore en l’espace d’un an en Afrique et plus particulièrement en Mauritanie pour y jouer, c’est très important pour moi. Cette fois-ci, je suis ici dans le cadre d’une tournée. Je viens de découvrir des pays comme le Niger, le Burkina Faso, que je ne connaissais pas. Je ne connaissais que le Sénégal et un petit peu la Mauritanie. Je suis vraiment content d’être là encore en Mauritanie.
Le Rénovateur Quotidien : Vous disiez tantôt que vous aimez l’Afrique. Par rapport aux difficultés qu’elle rencontre, par rapport à sa jeunesse qui manque de perspectives, quel regard en faites-vous ?
Disiz la Peste : L’Afrique porte sa croix depuis des siècles. Je vois des choses qui changent, qui s’empirent. Cela fait dix ans que je viens en Afrique. Malgré toutes les difficultés qu’elle rencontre, je n’ai jamais perdu d’espoir. Ce n’est pas de ma nature. Moi qui viens d’Occident, si je viens en Afrique et que je baisse les bras, quel message je vais envoyer à la jeunesse. En Afrique, il y a beaucoup de jeunesses. Il y a énormément de talents. Quel continent aurait pu résister à tous ces vols des occidentaux ? Quel continent aurait la force et la dignité de subir tout cela et de garder espoir comme l’Afrique et sa jeunesse ? Je ne le pense pas.
Le Rénovateur Quotidien : Est-ce que vous revendiquez votre négritude ?
Disiz la Peste : Ah! Oui, tout le temps. Tout ce que je peux dénoncer, je le fais. Quand j’ai fait mon album intitulé "Itinéraire d’un enfant bronzé", j’ai parlé de certains problèmes que j’ai pu rencontrer en France par rapport à ma couleur de peau, par rapport à ceux qui voudraient venir en France. A ces derniers, je leur fais savoir qu’il y a des foyers d’immigrés qui brûlent, des gens qui meurent ou qui se retrouvent à la Seine parce qu’ils ont peur d’être retrouvés par la police, qu’il y a énormément de racisme, de discrimination. Il y a des choses bien aussi. Voilà, c’est des choses que je parle dans ma musique.
Le Rénovateur Quotidien : Si je ne m’abuse pas, vous aviez annoncé votre retrait du Rap. N’allez-vous pas laisser un goût amer ou frustrer vos milliers de fans que vous avez habitué à donner du plaisir depuis presque 10 ans ?
Disiz la Peste : Je suis quelqu’un de libre. Le Seul à qui je dois rendre compte, pour moi, c’est Dieu. Et, à mon avis, continuer à faire de la musique pour mes fans juste pour des raisons d’argent, ce serait me perdre en quelque sorte. De toute façon, je continuerai à faire de la musique. Aux Etats Unis d’Amérique où le public est beaucoup plus ouvert, je n’aurai jamais dit cela. Mais, en France, à partir du moment où on met une guitare sur sa musique (Rap, Ndlr), les gens considèrent qu’on ne fait plus du Rap. Ces gens-là, ils ont l’esprit fermé. Plutôt qu’on me dise Disiz ne rappe plus, je préfère le dire moi-même. Je reste authentique dans ma musique sauf que je change un peu de formes.
Le Rénovateur Quotidien : En 2007, durant la campagne présidentielle, vous avez soutenu Ségolène Royal. Par la suite, Nicolas Sarkozy est devenu Président de la République. Quelle appréciation faites-vous de sa politique générale notamment en matière d’immigration ?
Disiz la Peste : En fait, je rectifie. Je n’étais pas aux côtés de Ségolène Royal. C’était à l’occasion de son dernier meeting (1ier mai 2007, au stade Charléty, Ndlr) où c’était clairement elle ou Sarkozy. Vu que j’étais contre Nicolas Sarkozy, je suis allé assister à son meeting. Maintenant, par rapport à sa politique en matière d’immigration, rien ne m’étonne. Les Français s’étonnent et disent oui ce n’est pas normal. Eh ! bien, il ne fallait pas voter pour lui. Maintenant, c’est trop facile de se lever et dire qu’il y a plein de choses qui ne vont pas. On a vu comment son prédécesseur (Jacques Chirac) avait joué sur l’insécurité. Qui dit insécurité en France fait allusion aux gens bronzés qui viennent souvent d’Afrique. Par rapport à sa politique d’immigration, Sarkozy l’avait bien défini dans son programme de campagne présidentielle. Il a réussi à récupérer des voix à Jean Marie Le Pen. Et, il a été au bout de sa démarche en plaçant Brice Hortefeux (actuelle ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, Ndlr). Parallèlement à sa politique de répression, le gouvernement de Nicolas Sarkozy a renforcé ses contrôles dans la lutte contre l’immigration. Tout cela ne m’étonne pas. En plus, le Président Sarkozy vient à Dakar faire un discours (le 26 juillet 2007, Ndlr) où il parle de l’ancienne aura de l’Afrique. Quand, du haut de son complexe de supériorité, il dit que le paysan africain doit "se motoriser" et rentrer dans le grand concert du monde, il montre tout son mépris envers les Africains.
Le Rénovateur Quotidien : De "Poisson Rouge" aux "Histoires extraordinaires d’un jeune de banlieue" en passant par "Jeu de société", "Itinéraire d’un enfant bronzé" et "Disiz The End", vous avez réussi à vous imposer dans le milieu du Rap français. Comment en êtes-vous arrivé là et quel est votre petit secret ?
Disiz la Peste : Vous savez, mon premier album (Le Poisson Rouge sorti en 2000, Ndlr), il a eu un grand succès. Il a énormément vendu. Le second (Jeu de Société sorti en 2003, Ndlr) beaucoup moins. J’ai fait deux albums au Sénégal (Sant Yalla et Sama Adjana, Ndlr) qui m’ont beaucoup rapporté. J’ai eu la chance de faire un film (Dans tes rêves de Denis Thybaud sorti en 2005, Ndlr). Après, j’ai sorti un album qui a un peu mieux marché. Là, je m’apprête à faire autre chose. Cela fait 12 ans que je fais de la musique. Je remercie simplement Dieu. Mon secret à moi, c’est l’authenticité. Je peux mentir dans ma vie mais avec ma musique et le public, je n’y arriverai pas. J’ai l’impression d’avoir un miroir en face de moi. C’est pour cela, chaque parole est mesurée. Dès fois, je suis énervé, j’ai envie de dire des choses vraiment violentes. Mais, je fais attention aux plus jeunes qui m’écoutent. Mon secret, c’est d’être plus sincère que possible dans ma musique.
Le Rénovateur Quotidien : Votre album "Poisson Rouge" a été double disque d’or et "Les Histoires extraordinaires d’un jeune de banlieue" meilleur album de l’année aux Victoires de la musique 2006. Seriez-vous en mesure de rééditer cet exploit ?
Disiz la Peste : Ah ! Je ne sais pas. Peut-être, c’est possible. Mais, ce n’est pas moi qui décide. C’est Dieu. Je sais que la façon dont j’entreprends ma musique est la même que celle que je faisais à l’époque. C’est juste que je donne tout de moi. Si cela marche, tant mieux ! J’ai écrit une phrase qui dit : "Moi, je suis auteur de mes albums/Le public est auteur de mes succès".
Le Rénovateur Quotidien : Au nom de l’ouverture musicale, le Rap est aujourd’hui mêlé à toutes sortes de sauces musicales. Quelle appréciation en faites-vous ?
Disiz la Peste : Ah ! Oui, je suis parmi les premiers à le faire en France. Maintenant, j’ai une orientation un peu plus Rock. J’aurai dû commencer depuis longtemps avec une orientation beaucoup plus africaine. Je suis pour l’ouverture du Rap à d’autres styles de musique. L’essence du Rap au départ, c’était de se mélanger. Le Hip Hop, c’est un entonnoir. Et, je ne pense pas que cela puisse tuer le Rap. Le Rap, c’est le fond. La forme, c’est un outil. Le Rap, c’est la parole des pauvres. C’est la musique qu’on n’a pas besoin d’apprendre. C’est de la musique instinctive. Le Rap ne mourra jamais, jamais. Il s’adaptera toujours.
Le Rénovateur Quotidien : Vous êtes aussi un acteur. D’ailleurs, vous avez participé à de nombreux films (Dans tes rêves, Petits meurtres en famille…) qui ont connu du succès en France. Y êtes-vous venu pour gagner de l’argent ou pour vous faire plaisir ?
Disiz la Peste : Non, c’est le cinéma qui est venu me chercher. Je ne suis pas allé chercher le cinéma. C’était par rapport à un clip que j’avais fait qui s’appelle "J’pète les plombs" (inspiré du film de Joël Schumacher, Ndlr). Et là, des gens ont vu dans ce clip que je pourrai faire du cinéma. On m’a proposé un rôle, cela m’a plu et je l’ai accepté (Il s’agit du film "dans tes rêves" où il incarne le rôle d’un jeune rappeur qui veut accomplir son rêve, un film réalisé par Denis Thybaud, Ndlr). Ce n’est pas pour l’argent que je suis venu au cinéma. On m’a proposé d’autres rôles après. Je ne les ai pas acceptés parce que cela ne correspondait pas à mon état d’esprit. C’était des rôles qui montraient une mauvaise image des noirs ou des jeunes de la banlieue. Et, pourtant, il y avait beaucoup d’argent.
Le Rénovateur Quotidien : Pensez-vous que ce que le Rap n’a pas réussi à vous donner, le cinéma vous le donnera ?
Disiz la Peste : Ah, non ! Le cinéma, c’est très compliqué. Surtout, en France. Comme je disais tantôt, les rôles qu’on propose à des jeunes comme moi sont souvent stéréotypés. Par contre, j’ai écrit un livre qui s’appelle "Les Derniers de la Rue Pontiers" qui va sortir le 7 janvier en France. J’ai demandé à mon éditeur de faire une édition spéciale pour l’Afrique afin que le livre soit à la portée des bourses africaines. C’est un roman qui se passe en Afrique notamment à Dakar au Sénégal. Si à 40 ou à 50 ans, on pouvait se rappeler de moi comme un écrivain, quitte à ce qu’on oublie que j’ai fait de la musique même si j’adore ça, je serai très fier.
Le Rénovateur Quotidien : Dans votre album "Les histoires extraordinaires d’un jeune de banlieue ", il y a un morceau intitulé "Ultrabogosse". Que voulez-vous insinuer par-là ?
Disiz la Peste : En fait, c’était juste pour me moquer un peu de tout ce superflu qu’on a en France qui entoure la nouvelle génération. Je voyais plein de garçons qui faisaient énormément attention à eux. C’est un morceau qui voulait se moquer de tout cela. Il y a souvent du second sens dans mes propos.
Propos recueillis par Babacar Baye Ndiaye