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3 août 2010 2 03 /08 /août /2010 20:44

Jobal-Art.JPGJobal’Art pouvait être un dealer, un vagabond, un inconscient sans ambition ni objectif. Mais, la musique l’a adopté très tôt. Au début du mois de juin, à la première édition du Festival Walo Musique, à Rosso, nous l’avions rencontré. La tentation de l’accrocher au passage était très forte puisqu’avec ses 2m03, le géant rappeur mauritanien natif de Rosso en Mauritanie ne passe pas inaperçu. A Rosso, chez lui,  depuis qu’il a sorti son premier album, Jobal Art, qui impressionne par sa taille, règne en maître absolu sur la scène du Hip Hop de cette localité du pays.

 

Jusqu’ici, il est le seul rappeur originaire de Rosso qui a mis sur le marché national un album qui l’a un peu mué. De son vrai nom Adiouma Badara Kéita, il est passé à celui de Jobal Art (en Wolof, celui qui œuvre pour l’art) depuis qu’il a sorti son album qu’il a mis sept ans à préparer avant de le sortir.

 

Cet album a vu la participation de grands noms du rap sénégalais comme Fafadi, Simon, Titi Yéro de l’ex-Black Mbolo, Pacotille. Depuis 1992, il est dans le mouvement du Hip Hop. Boultayi, terme en wolof qui signifie en français "ne décourage pas !", est le titre de l’album composé de 10 titres. "Au début, je voulais faire 18 titres. Mais, par manque de moyens, je me suis contenté de 10", explique-t-il.

 

Le parcours de Jobal’Art, actuellement professeur d’éducation physique et sportive (E.p.s.), se confond avec l’histoire de la naissance du mouvement Hip Hop de la ville de Rosso. En 1992, déjà sur les bancs de l’école, il flirtait avec le rap. A part les échos du Sénégal voisin, le rap est timidement imprégné dans cette ville presqu’à l’article de la mort. Aujourd’hui, grâce à lui et à d’autres groupes de rap comme La Voix du Peuple, Aldi-Soldier, Maag Daan, A.B.10, le rap à Rosso commence à s’échapper des griffes de l’agonie.

 

Icône dans la ville de Rosso, de nombreux jeunes rappeurs qui titillent aujourd’hui le micro se sont abreuvés à son réservoir. Il a de la sève dans les jambes. "Le Rap, je l’ai dans le sang, vous rétorquera-t-il. Je suis un homme de scène. Je ne me fatigue pas. Les déplacements que je fais sur scène ne me gênent pas. J’ai travaillé cela depuis mon enfance. Je sens ce que je fais et je maîtrise ce que je fais."

 

Son statut de leader lui confère aujourd’hui un regard critique sur la ville de Rosso et la situation des jeunes de cette localité.

 

Et, lorsque, vous tentez d’aborder avec lui la situation de la ville de Rosso et celle des jeunes ou un certain nombre de problèmes qui les interpellent comme le chômage, l’émigration clandestine, le peu d’intérêt que portent les élus de Rosso sur la jeunesse, leurs conditions de vie, leur exode massif vers les centres urbains comme Dakar ou Nouakchott à la quête de lendemains meilleurs, il se lâche comme une fusée.

 

Sa langue se délie et subitement il se met à asséner ses quatre vérités. Comme s’il était piqué au vif ou était dépité. Son amertume monte et prend un virage qui traduit un mal-être généralisé.

 

Jobal-Art1.JPGJobal’Art est un rappeur véridique qui ne mâche pas ses mots sur certaines situations. Tenez, comme par exemple, celle de la jeunesse. Sur ce point, il affirme sans détours et sans ambages que les jeunes doivent compter sur leur force, leur intelligence et leur abnégation pour réussir. Sous-entendu ne rien espérer des pouvoirs publics pour se tirer d’affaire des problèmes qu’ils vivent au quotidien "Il ne faudrait pas que la jeunesse mauritanienne attende l’Etat. Les pouvoirs publics ne peuvent pas assurer toutes les charges et les besoins des populations", soutient-t-il.

 

Puis, subitement, il se lance dans un oral presque philosophique. "Dans la vie, il ne faut jamais se décourager. Tant qu’il y’a vie, il y’a toujours de l’espoir. Je dis à la jeunesse mauritanienne de serrer la ceinture", largue-t-il aux jeunes dénonçant la marginalisation dont souffre cette catégorie de la population. "On n’a pas une jeunesse malsaine. Si, on l’aide, elle va s’en sortir", plaide-t-il.

 

Jobal’Art, c’est aussi un ton qui dégage un air de liberté, une envie de justice et d’égalité. Ses textes tentent tant bien que mal de donner une place de choix aux différentes langues et communautés du pays dans un mixage musical séduisant et convaincant. Pas de traces à l’idéologie ni à l’exclusion. "J’essaie de faire en sorte que tout le monde se retrouve dans mes chansons", explique-t-il.

 

Et refuse qu’on cloisonne la Mauritanie sur des bases identitaires derrière lesquelles se dérobe souvent une certaine classe politique qui n’est intéressée aussi que par le suffrage des électeurs. "Je vais dire aux rappeurs de se méfier de la politique et des acteurs politiques. Ils savent que nous sommes des porteurs de voix. A chaque échéance électorale, ils nous courtisent. Et, puis, lorsqu’ils ont ce dont ils ont besoin, ils nous ignorent", prévient  Adiouma Badara Kéita alias Jobal’Art. Quel tacle audacieux!

 

Babacar Baye NDIAYE

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