Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
17 février 2009 2 17 /02 /février /2009 00:26

IMG 6496Prenez une calebasse, deux hoddus, une kora, un djembé, ajoutez-y deux guitares, une calebasse, une batterie. Quelle sensation doivent-ils vous procurer tous ces instruments lorsqu’ils sont harmonisés ? Rien que de la bonne musique !

 

C’est un Baguiss nouveau et impressionnant que l’on a découvert au Concert K’fet du Centre Culturel Français Antoine Saint-Exupéry de Nouakchott de ce mardi 17 février 2009. Après deux ans d’existence, ce groupe semble retrouver sa place dans le milieu musical national.

 

Leur style musical qui mêle savamment des sonorités modernes et traditionnelles puise leur source, leur inspiration dans les mélodies populaires. Le tout dans un souci de renaissance et aussi de s’ouvrir à d’autres musiques !

 

Baguiss, l’histoire de deux familles

 

Baguiss est dérivé des noms de famille Bâ et Guissé. Ce groupe a été créé par Guéladjo Bâ et Youba Guissé. Le premier joue et manie à merveille la guitare et le second que l’on appelle communément "l’homme aux doigts magiques" joue avec beaucoup de fantaisie du hoddu. En dehors de la musique, ils sont unis par des liens de parenté. Avec le temps, une certaine complicité s’est installée entre eux.

 

Leurs pères respectifs, Samba Ciré Guissé et Seydou Bâ, ont cheminé ensemble. Tous deux ont fait les beaux jours de l’Orchestre National de Mauritanie. D’ailleurs, en dehors de quelques textes écrits par le manager de Baguiss, Laye Thiam et Guéladjo Bâ, tout le reste est puisé dans le répertoire de leurs parents.

 

Aujourd’hui, c’est leur tour de prolonger le compagnonnage de leurs pères. Pour ce faire, qu’y-a-t-il de mieux, sinon de créer un groupe pour continuer cet héritage ? Les fondateurs de Baguiss ne semblent pas se plaindre, vu l’enthousiasme et l’appréciation de leur musique à leur deuxième prestation musicale au Ccf, à la faveur d’une nouvelle formule musicale.

 

La valorisation des instruments et des mélodies de musique traditionnels

 

La musique de Baguiss est une musique authentique, dont les racines sont fondamentalement inspirées des mélodies et rythmes traditionnels. Pratiquement, tous les musiciens de Baguiss sont des petits-fils de griots. D’ailleurs, on sent parfaitement leur racine dans leur musique. Celle-ci est fortement dominée par l’omniprésence des instruments musicaux traditionnels comme le Hoddu, la calebasse, le djembé...

 

De plus en plus, nos musiciens ont tendance à adopter une musique très moderne. Mais, eux, ils veulent promouvoir les instruments traditionnels."Nous sommes des griots. Nous devons donc favoriser les instruments de musique traditionnelle", explique Guéladjo Bâ, lead vocal de Baguiss.

 

Farouche défenseur de la musique "bambado" et de sa préservation, Guéladjo Bâ chante son identité, ses racines dans la plupart de ses textes. Pour autant, il n’est pas égocentrique. Il parle aussi bien wolof, hassanya, soninké que poular.

 

Pour être né d’une famille de griots plus précisément les "bambado", Guéladjo Bâ est très tôt venu à la musique, très jeune. Il eut la chance d’être confié à Amidou Touré, qui avait créé, avant de partir en France, le Koumarou. C’est au sein de ce groupe qu’il fera ses premières armes en tant que jeune musicien débutant.

 

Cette expérience ne sera que de courte durée puisque Amidou Touré va rejoindre ses autres frères en France pour monter leur groupe de famille, Touré Kunda. Après, le voilà, au Sénégal pour s’inscrire au Conservatoire de Dakar où il y sera pensionnaire pendant 7 ans. De retour au pays, il lance, avec Ousmane Gangué, le "Koodé Pinal". Ce parcours n’est guère surprenant.

 

Son père n’est autre que Seydou Bâ, qui fut musicien à l’Orchestre national de Mauritanie, avec Hadrami Ould Meidah. Son père a aussi travaillé avec pas mal de musiciens très célèbres comme Jean-Philippe Rykiel. "Je n’ai pas de honte à dire que je suis le fils de Seydou Bâ", s’exclame-t-il. Aujourd’hui, il porte en lui le lourd héritage de son père.

 

Une musique réaliste

 

Même si leur musique cache bien des empreintes de leur origine, Baguiss n’est pas pour autant un groupe de musique engagé. La musique de Baguiss, même si elle n’est pas engagée, dénonce certains maux de la société comme la pauvreté, la déperdition scolaire, l’analphabétisme, les mariages précoces…"On ne fait pas de la politique. On ne critique pas. On essaie d’éveiller les gens", explique Guéladjo Bâ.

 

Dans ses textes, Guéladjo Bâ insiste beaucoup sur l’éducation des enfants et ses messages s’adressent essentiellement à la jeunesse. "On constate de plus en plus que la jeunesse mauritanienne perd ses repères, ses valeurs", remarque Laye Thiam, manager de Baguiss. "On essaie de conscientiser, à travers notre musique, la jeunesse mauritanienne".

 

Aujourd’hui, le combat de Baguiss, c’est de faire aimer leur musique qui est typiquement traditionnelle à la jeunesse mauritanienne laquelle préfère souvent écouter d’autres musiques venues d’ailleurs. Mais, pour ce faire, Baguis semble trouver la bonne astuce : mêler modernisme et tradition !"Si on joue typiquement folk, on risque de ne pas toucher le public jeune notamment", explique Laye Thiam.

 

Samba, ou l’hymne de l’aventure

 

Au cours de sa deuxième sortie au Ccf, Baguiss a fait déguster au public son riche répertoire. S’il y a un morceau dont la mélodie a été bien réussie, c’est bien Samba. Cette chanson a été composée de retour de France où Guéladjo Bâ était parti avec Ousmane Gangué et le "Koodé Pinal" à l’occasion d’un festival de musique intitulé "Jazz Pulsations".

 

Ce morceau, qu’il composera six mois plus tard après son retour en Mauritanie, évoque les conditions de vie souvent difficiles voire cauchemardesques pour certains émigrés africains de l’Hexagone. Ce morceau n’est pas une dénonciation mais juste une description banale de ce que vivent les émigrés. "J’ai rencontré des jeunes qui vivaient dans des conditions insupportables. Malgré tout cela, ils refusaient de retourner au pays…", s’indigne-t-il.

 

On sent dans ce morceau une réelle envie de démystifier les pays occidentaux que nos jeunes ont souvent tendance à assimiler à des terres d’Eldorado. Du coup, il compose ce morceau, une manière de rappeler à "certains parents qui croient qu’on gagne beaucoup de sous en Europe". Cette dure réalité finit par choquer Guéladjo Bâ. "C’est avec ce morceau que j’ai débuté au sein de Baguiss", explique-t-il.

 

Tel est le charme de ce morceau : mettre à nu les dures réalités des conditions de séjour de certains émigrés africains en France tout en soulevant avec beaucoup de délicatesse l’épineuse question de  l’émigration.

 

Babacar Baye Ndiaye

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

B
Ba gueladio
Répondre