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23 août 2010 1 23 /08 /août /2010 18:55

MONZALe Rap mauritanien souffre, c’est sans nul doute. Il souffre de médiatisation. Les canaux de distribution et de diffusion font terriblement défaut. Et pourtant ! Dieu sait que le talent est là. Dans l’entretien suivant que j’ai eu avec Monza à propos du Hip Hop en Mauritanie, vous verrez bien qu’il n’est pas du genre à ruminer la vérité.

 

Le Rénovateur Quotidien : Le Rap en Mauritanie a-t-il évolué depuis 10 ans ?

 

Monza : Depuis 10 ans ? Ce qui nous ramène en 1998. Je dirai qu’à partir de cette date, le mouvement Hip Hop en Mauritanie, surtout à Nouakchott, était accès sur les concerts. Il y avait beaucoup de concerts à cette époque. Il y avait aussi le phénomène des boîtes de nuit qui commençaient à apparaître en Mauritanie. Certains rappeurs passaient par ces boîtes pour y faire des prestations. A cette époque, ça bougeait ! Beaucoup plus que par exemple, deux ans plus tard, au moment où les albums ont commencé à sortir. Du moment qu’il y a eu des albums qui sont sortis, je dirai qu’il y a une relative évolution. 

 

Le Rénovateur Quotidien : Avez-vous une idée des premiers albums de Rap qui ont été sortis par des mauritaniens ?

 

Monza : Le premier album de Rap sorti en Mauritanie, c’est l’album de Papis Kimi (actuellement aux Etats-Unis d’Amérique, Ndlr). Cet album s’intitulait «Mani Zani » avec la participation entre autres de Maxi P sorti en 2000. Ensuite, il y a eu Black à Part qui a sorti «Mine the Man ». En 2004, j’ai sorti «Président 2 la Rue Publik ». C’est à partir de ce moment là qu’il va y avoir de la production musicale purement mauritanienne. C’est le premier projet qui a été entièrement réalisé en Mauritanie. Les albums d’avant étaient enregistrés souvent au Sénégal avec des compositeurs sénégalais. Il y a l’album de Diam Min Tekky (Gonga) qui a été enregistré ici, l’album de Military Underground (Au Secours) et celui d’Ewlade Leblade (Adat’ne).

 

Le Rénovateur Quotidien : Entre 2000 et 2008, il y a eu une floraison impressionnante de groupe de Rap et de rappeurs. Là aussi, on a noté une certaine évolution.

 

Monza : Il y a une nouvelle génération de rappeurs qui arrivent. Parmi ces jeunes rappeurs, je trouve qu’il y a de très bons artistes surtout dans les régions. J’ai rencontré, dans mes déplacements à l’intérieur du pays, des groupes de Rap qui ont un certain niveau et du talent. Dans toute sa totalité, quel que soit l’endroit où on le pratique, ce que j’ai vu me donne une certaine conviction que le Rap a de l’avenir en Mauritanie. Je crois en ce mouvement.

 

Le Rénovateur Quotidien : N’empêche que ce mouvement auquel vous croyez foncièrement patauge. Et, concrètement, que faut-il faire pour que le Rap puisse se développer ?

 

Monza : Aujourd’hui, je peux dire côté structures, en tout cas pour l’enregistrement, nous avons ce qu’il faut pour enregistrer des produits. Pour la duplication et la distribution, on a un problème. Pour la communication, il faut une certaine promotion et une diffusion sur les ondes. Pour la Mauritanie, ce n’est pas encore le cas. On n’a pas de radios qui font passer du Rap. Ni une télévision qui diffuse du Rap. Il y a la TVM Plus qui commence à faire passer quelques clips. Mais, cela pourrait allait au-delà. 

 

Le Rénovateur Quotidien : A votre niveau, vous les rappeurs, avez-vous essayé à faire quelque chose. Il ne s’agit pas tout simplement de vouloir porter la responsabilité sur le dos des autorités comme vous le faites tout le temps ?

 

Monza : Chacun fait selon sa démarche. Il y a des gens qui sont là et qui poireautent un producteur. Il y en a d’autres qui sont là et qui vous disent non en essayant de prendre les choses en mains. A notre niveau, on a essayé d’ouvrir notre propre studio en y mettant du matériel moderne pour pouvoir nous satisfaire d’abord et ensuite satisfaire les autres. «Assalamalekoum Hip Ho Festival » représente par exemple une occasion où les artistes peuvent se produire. Pour la 2ième édition de ce festival, il y aura des rappeurs de différentes wilayas de la Mauritanie qui vont se produire.

 

Le Rénovateur Quotidien : Tout ceci, c’est bien encourageant. Mais, comment expliquez-vous le fait que les rappeurs ne vendent pas assez bien leurs produits ? 

 

 

Monza : Tout simplement, parce qu’il n’y a aucun réseau de distribution à Nouakchott. Il n’y a pas de points de vente. Il n’y a pas d’endroits spécifiques où le public peut aller  acheter tel ou tel album. Et, pourtant, il y a une manière de faire, en tout cas, c’est la nôtre, c’est d’organiser des concerts et de faire l’entrée avec le CD. Il y a une partie qu’on arrive à écouler. Dès fois, on écoule tout. Cela dépend des groupes ou du public. A partir de là, les CDs sont piratés ou vendus à la sauvette.

 

Le Rénovateur Quotidien : Un autre problème et non des moindres, c’est celui des droits d’auteur. Très peu de rappeurs mauritaniens sont protégés. Sur ce point, qu’envisagez-vous faire ?

 

 

Monza : Les artistes savent qu’il n’y a pas un bureau des droits d’auteur. Certains se disent qu’ils vont se protéger au Bureau Sénégalais des Droits d’Auteur (BSDA). Je pense que cela ne servira à rien. Le BSDA lui-même n’arrive pas régler les problèmes des artistes sénégalais à plus forte des artistes d’autres pays. Par contre, il y a des structures comme la SACEM (Société des Auteurs Compositeurs et Editeurs de Musique) qui protège les artistes. Elle est à l’écoute de toutes les radios même de Radio Mauritanie.

 

Le Rénovateur Quotidien : Y’a-t-il une concurrence saine entre les rappeurs mauritaniens ?

 

Monza : Artistiquement, je pense qu’il doit y avoir de la concurrence. Cela pousse un artiste à progresser. Lorsqu’il s’agit de concurrence malsaine, d’hypocrisie, de jalousie, ce n’est pas bien. Personnellement, je ne peux même être dans le lot du Rap mauritanien. Je suis un artiste. Point barre. 

 

Le Rénovateur Quotidien : Le Rap Mauritanien peut-il s’exporter ? Et réellement, y’a-t-il des rappeurs mauritaniens qui sont prêts à défendre cette idée ?

 

Monza : En tout cas, pour ma part, je fais de mon mieux pour qu’on arrive à exporter le Rap mauritanien en essayant d’organiser des concerts à l’étranger, de monter des projets à long terme. J’ai participé à un festival qui s’appelle ‘Les Arts croisés’ en France. J’ai été au Palais des Nations Unies à Genève. Je suis au début de mon exportation. Nous avons un projet de chanter la déclaration universelle des droits de l’homme dans plusieurs langues sur un album. Tout ceci, si vous voulez, rentre dans ce cas.

 

Le Rénovateur Quotidien : Certains enregistrements sont de piètre qualité alors que les nouvelles technologies ont fait leur entrée dans la musique depuis belle lurette ?

 

Monza : C’est un manque de compétences. Aujourd’hui, la musique Rap est industrialisée. Donc, tout le monde travaille avec des machines. La machine la plus idéale, ce serait une station Protoolth M Powered pour faire de la bonne musique Rap avec une SP 1200, un sampler Aky 2500, une MPC 2000. Cela demande énormément d’argent. La qualité qu’on a actuellement, c’est une qualité de maquette. Même au niveau de la tonalité et du groove de la musique, ça pose problème. Il n’y a pas de machine de masteurisation aussi.

 

Propos recueillis par Babacar Baye Ndiaye

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