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8 janvier 2010 5 08 /01 /janvier /2010 18:02

 

MONZA
Autant le dire, la musique mauritanienne va mal, très mal. C’est à peine qu’elle fait parler d’elle sur le plan international. Et, pour des jeunes musiciens comme Monza, pas besoin de porter une lunette d’arpenteur pour s’en apercevoir. Pourtant, les idées ne manquent pas pour sortir notre musique de son état de somnolence, de l’anonymat qui l’étrangle depuis belle lurette. Ce qu’il faudrait, peut-être et qui fait défaut, c’est qu’il y’ait, comme l’a réclamé Monza, une nouvelle méthode d’appréhension des rapports entre les responsables et les acteurs de
la Culture. Dans l’interview suivante, Monza revient sur les grands problèmes qui empêchent aujourd’hui notre Art et notre Culture d’avancer vers des lendemains radieux faute d’appui de la part des pouvoirs publics. Mais, "ce n’est pas de l’assistanat qu’on veut", prévient-il tout en demandant aussi que le projet relatif à la mise en place d’une structure chargée de protéger les artistes musiciens et leurs œuvres soit réactivé. Entretien. 

                  

Le Rénovateur Quotidien : Quel regard personnel jetez-vous sur la musique mauritanienne ?

 

Monza : La musique mauritanienne est aujourd’hui en ébullition. Il commence à se passer des choses assez encourageantes dans notre pays. Je ne dirai pas qu’il y a assez de choses, malheureusement, il n’y en a pas, mais il se passe des activités culturelles dans certains endroits comme le Centre Culturel Français de Nouakchott. C’est l’endroit où se passe vraiment quelque chose dans le domaine de la Culture.

C’est un peu dommage parce que Nouakchott peut être un endroit où peut se passer un certain nombre de choses sur le plan culturel. Il y a des scènes où se produisent nos artistes. Il y avait, dans le passé, l’ancienne et la nouvelle maison des jeunes où se passaient pas mal de concerts hip hop. Aujourd’hui, il se passe de moins en moins de choses dans ces deux maisons-là.

 

Le Rénovateur Quotidien : Pour vous donc, c’est autant de signes qui peuvent faire croire que la musique mauritanienne est en train de renaître de ces cendres ?

 

Monza : Ce n’est pas une question de croyance mais de conviction puisqu’il y a un potentiel artistique énorme en Mauritanie. Nous sommes quatre communautés,  riches d’une chose qui nous est commune à tous, c’est notre diversité culturelle. Cette culture, elle est assez diversifiée avec des différences que ce soit dans la culture Peul, Soninké, Maure et Wolof. Néanmoins, il y’a plusieurs similitudes qui permettraient peut-être d’arriver à une symbiose, à une fusion.

Les artistes, aujourd’hui, qu’ils soient peintres, écrivains, poètes, chanteurs, compositeurs, interprètes, ont la possibilité d’agencer toutes leurs connaissances, de les réunir en vue de créer une identité réelle de la Musique mauritanienne qui fait toujours défaut. Quand on parle de musique mauritanienne, on parle de musique Peul d’un côté, de musique Maure de l’autre côté…Cette caractérisation de la musique mauritanienne n’a pas sa raison d’être.

 

Le Rénovateur Quotidien : On a souvent tendance à dire qu’on regorge de talentueux artistes. Mais, dans la réalité, c’est une autre paire de manches. Pourquoi ça ne marche pas à votre avis ?

 

Monza : Parler de musique, c’est restreindre la culture à un genre. La culture, elle est vaste. Si, aujourd’hui, au niveau de la culture de manière générale, ça ne marche pas, c’est parce qu’il y’a une démarche que les gens n’ont pas adopté. Je mettrai cette situation sur le compte du gouvernement, des artistes, du public. Tous ceux-ci sont concernés.

Aujourd’hui, un peuple sans culture, un pays où la culture ne vit pas, c’est un pays sans épanouissement. Par rapport aux artistes, je pense qu’ils ne prennent pas assez d’initiatives. L’artiste mauritanien est celui qui attend qu’on fasse quelque chose pour lui. Les artistes mauritaniens doivent se lever pour faire en sorte que l’Art et la Culture aient droit de cité.

En Mauritanie, il y’a toujours eu l’Art et la Culture. Aujourd’hui, cela appartient au passé. Il y’a eu une certaine méthode de propositions, on a confié des fonctions de haute responsabilité à des gens incapables. Quand on délègue un Ministère comme celui de la Culture, il faut que celui à qui on l’a confié, soit en mesure de faire son travail, en menant par exemple des actions de promotion, de professionnalisation et de formation.

 

Le Rénovateur Quotidien : Madame Cissé Mint Boide occupe le  Ministère de la Culture, de la Jeunesse et des Sports. On dit d’elle qu’elle est pleine d’ambition et d’idées. Pensez-vous qu’elle peut donner un second souffle à la musique mauritanienne ?

 

Monza : J’ai eu à m’entretenir avec elle avant qu’elle ne soit Ministre de la Culture au sujet d’Assalamaleykoum Hip Hop Festival qui est une référence en Mauritanie. Nous lui avons fait part de ce projet. A cette époque, elle était au Ministère du Tourisme, de l’Artisanat et du Commerce.  Elle avait montré un certain intérêt par rapport à cette activité. Elle m’a l’air d’une personne intéressée par le développement de la Culture et des Arts en Mauritanie. Par rapport à ces idées, je ne peux espérer que ces idées soient les bonnes et surtout qu’elle joigne la parole à l’acte. Quand on dit vouloir changer les choses, il faut qu’on se lance dans une démarche d’exécution.

 

Le Rénovateur Quotidien : Comment vivez-vous votre statut de jeune pousse de la musique mauritanienne dont la situation n’est pas assez encourageante et quelquefois laisse à désirer ?

 

Monza : Je vis bien ce statut et aussi ma musique parce que je la façonne et j’essaie de lui donner une certaine couleur mauritanienne. Par contre, si, être artiste, c’est un métier, je dirai que je ne vis pas de mon art. Je m’épanouis bien dans ma musique. J’essaie d’aller vers d’autres horizons pour rencontrer pas mal d’artistes. Je ne peux qu’être fier de mon parcours et je ferai tout pour que l’Art mauritanien sorte de l’anonymat.

En Mauritanie, on est certes très connu, mais quand je m’en vais ailleurs, dans un cadre musical, je sais que je ne suis rien du tout. J’essaie de faire en sorte qu’un jour, on arrive à avoir un vrai statut d’artiste en Mauritanie. Quand on voit qu’il y’a des artistes qui se font contrôler ou rafler, je me dis que nous avons encore du chemin à faire pour avoir une certaine reconnaissance de l’artiste comme une certaine reconnaissance du journaliste, des instituteurs…

Je me battrai pour que l’Education soit une priorité idem pour la liberté d’expression. Je me battrai aussi pour que l’artiste ait une vraie reconnaissance. Il y’a des opérateurs culturels qui sont très actifs en Mauritanie (Maison des Artistes, Maison des Cinéastes, Nouakchott Music Action, Assalamaleykoum Hip Hop Festival…) mais il faudrait que l’Etat ait non seulement un œil sur ces gens-là mais aussi leur donne une certaine crédibilité.

Ce n’est pas de l’assistanat qu’on veut. Tout ce qu’on veut, c’est un travail d’équipe entre les responsables et les acteurs de la Culture. Il y’a toujours un projet des droits d’auteur qui est toujours en dormance et il est temps que ce projet soit réactivé. Nous ferons tout pour qu’on le réactive et si l’Etat ne peut pas le faire, nous sommes en mesure d’y travailler, d’offrir nos compétences pour pouvoir arriver à élever l’Art et la Culture en Mauritanie.

 

Propos recueillis par Babacar Baye NDIAYE

 

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