Le trio de Habobé Bassal qui s’est formé au quartier de la Socim de Nouakchott a déjà fait entendre sa voix un peu partout en Mauritanie. Ce groupe qui emprunte son nom aux difficiles conditions de vie des populations croise avec délicatesse musiques traditionnelles de la vallée et Rap.
Depuis août 2005, Habobé Bassal, dont la création fut une véritable histoire de rencontres, ne cesse d’enflammer les quatre coins du pays et leur musique y est certainement pour quelque chose. D’Aéré Mbar à Thianaf en passant par Nouadhibou, Zouérate, Tokomadji sans oublier Sinthiou Diam Diorro, le trio de Habobé Bassal a pris du galon et ne compte pas s’arrêter aux frontières de leur pays.
D’ores et déjà, ils ont fait entendre leurs voix novatrices sur des radios comme Top Fm, la RTS, Radio Fondou, Radio Thilogne et Radio Thilogne. Leur passage à des évènements comme Assalamalekoum Festival International a fait naître chez Mika Fall, Cheikh Oumar Anne et Abou Fall qui composent Habobé Bassal une ambition feutrée. Rencontre avec ce trio qui prépare la sortie de leur tout premier album "Yoboné Wassdona".
Sans Mika Fall, il manquerait certainement une jambe à Habobé Bassal. Mika, le plus jeune du groupe, traîne derrière lui un parcours musical assez enchanteur. Au bout de ses douze ans, le Rap a trouvé ses aises dans sa tête. Contrairement à son aîné Abou Fall et Cheikh Oumar Anne, lui, il a intégré le groupe assez tardivement. Mais, depuis, il ne l’a plus quitté d’une semelle. Cet admirateur de Hameth Fall, un des fondateurs de Habobé Bassal et soulman du groupe, est un jeune qui impressionne par son sens développé de la musique.
Du coup, la folie du Rap le gagne puis celle l’envie de monter sur les podiums de rap. Déjà, il imitait la manière de rapper de Hameth Fall et absorbait comme une gorgée d’eau fraîche ses refrains. Il est bouleversé par sa voix, par la profondeur de son expression et par l’exaltation qu’elle provoque.
A partir de ce moment, il se sent frayer un chemin dans le mouvement du rap. Alors, découvre-t-il la réalité du mouvement : la galère ! Quelques années plus tard, après le départ de son icône, Hameth Fall, il intègre définitivement "Habobé Bassal" et commence à s’affirmer sur les chapeaux de roue. Il n’était jamais monté sur scène, jusqu'à ce qu’un jour, le manager de "Habobé Bassal", Yaya Diallo, le lui propose. "Je n’y croyais pas à mes yeux. C’était comme dans un rêve", se souvient-il brusquement ébloui.
De "Wiyobé Yobé Ndedj", son premier groupe de rap qu’il a monté avec un ami du nom de Mama Néné à "Habobé Bassal" en passant par "Oumo diodo", le jeune Mika Fall collectionne des expériences assez enrichissantes et inédites. S’ensuit aussitôt une période de stand by. Certains de ses amis vont quitter le rap qu’ils croient peu prometteur. Le temps de sombrer dans l’esseulement, le voilà dans un nouveau jour. Il comprit très vite la différence entre "Habobé Bassal", "Wiyobé Yobé Ndedj" et "Oumo diodo".
Avec "Habobé Bassal", il va presque découvrir toute la Mauritanie. A cette époque, se souvient-il, il avait dû mal à sortir de sa timidité. Les premiers instants de complexe passés, il se libère doucement de sa torpeur. L’adolescent devenu un farceur a mûri et s’est aguerri en acquérant de l’expérience. La preuve, il ne chante plus sur la même tonalité. Il a mesuré, avec "Habobé Bassal", ce que signifiait varier de mélodies et de beats.
Cette ancienne pointure de "Wiyobé Yobé Ndedj" et de "Oumo diodo", ses deux premiers groupes de rap, s’identifie et se passionne de Cee Pee et Fada Freddy dont il maîtrise leurs morceaux de A à Z. Et, lorsqu’on a des références comme celles-là, on ne peut sonner comme une légende.
Comme beaucoup de ses compagnons d’infortune, à peine, est-il entré à l’école fondamentale qu’il l’abandonne au profit de la musique dont l’envie était plus forte que tout. Mais, aujourd’hui, cela semble ronger sa conscience. Cette regrettable parenthèse de sa vie d’ado le pousse en revanche à s’investir corps et âme dans la réussite musicale. Mais aussi celle de "Habobé Bassal". Ses textes sont souvent des histoires qu’il a entendues ou observées ça et là à Nouakchott où il a vu le jour en 1985.
Cheikh Oumar Anne est viscéralement timide. C’est à peine qu’il ose s’exprimer ou lever son regard. Mais, détrompez-vous! C’est un leurre. Puisqu’il est l’autre forte tête de Habobé Bassal. Pour avancer et plaire au public, il prélève le meilleur de lui-même. Il a commencé depuis l’âge très jeune. Sa vie s’est toujours inspirée de ce qui l’environne, de la beauté du monde et de ses profonds sentiments et états d’âme.
Ce jeune de 26 ans, natif de Nouakchott, a la particularité de pouvoir restituer l’esprit de sa musique. Comme pour donner un coup de fouet à son imagination et ses fantaisies. Début des années 2000…Il s’engage, convaincu de son talent, dans la voie qu’a suivi son comparse, Abou Fall. Le rap s’empare de lui et vice versa ; et, flaire aussitôt qu’il y a quelque chose au bout.
Déjà, très jeune, il rêvait d’une superbe carrière, avec toujours de l’envie dans sa passion sans jamais trahir sa vocation. Très tôt, donc, la musique rap le fascine. Il gravite les échelons et de simple fan de ce mouvement, il devient un acteur. Il se fond très rapidement et découvre au bout de quelques années de ténacité son passage. A cette époque, des groupes de rap comme Black A part, Dentel Men Possee, Hibaroubi faisaient figure de proue dans la naissance du Rap dans la capitale.
C’est avec beaucoup de délectation qu’il suivait, impressionné et interloqué, leurs concerts. De là est née l’envie inopinée de monter sur les podiums et de crier. En 1998, il fait la connaissance de Bad’s Diom, Md Max (un dinosaure du Rap mauritanien) et plus tard Abou Fall avec qui il va former "Habobé Bassal". Il fit ses premiers pas dans le groupe de rap dénommé "Mistral X". Cette expérience ne sera que de courte durée avant qu’il n’aille faire les beaux jours d’autres groupes de rap de quartiers. En quelque sorte, il devient un "touriste" du mouvement comme il aime à le rappeler.
Tenez-vous bien, déjà, à l’âge de 12 ans, il commençait à développer un tel esprit puisqu’il a bourlingué à travers toute la Mauritanie. En revanche, avec la musique, il devient célèbre, bouge énormément, et se voit déjà comme une superstar d’Hollywood. Maintenant, avec "Habobé Bassal", il éprouve un grand plaisir de sillonner le pays d’un million des poètes. Car, avec ce groupe, il a rencontré des stars de la musique Rap de la trempe de Tunisiano qui a été la grande attraction de la deuxième édition de "Assalamalekoum Hip Hop Festival" de 2009.
Pour autant, il ne souffre pas d’une perte de suffisance. Dénoncer les maux de la société lui semble être un devoir. Il n’écoute que deux musiciens dont il raffole follement leurs chansons : Tiken Jah Fakoly, la star du reggae ivoirien et porte-parole de l’Afrique opprimée ; et, Tunisiano, lui, aussi, très engagé.
Quand il parle, on sent aussitôt les pogroms de leurs répercussions sur sa manière de penser et d’agir. Aussi, il a ravivé la tradition en puisant le meilleur qu’il a trouvé ; il est d’ailleurs le concepteur du "rapwango", un savant dosage de sonorités traditionnelles pulaar et le rap. Son envie de sortir des sentiers battus a nourri son désir de revigorer le rap pour le détacher de ses cadrans en termes d’inspiration, de créativité et d’évolution.
Pointilleux, altier, débordant d’imagination, Abou Fall est le modèle même de l’artiste fidèle à tout point de vue à sa parole, son tempérament et à son engagement. "Ce n’est pas parce que nous sommes un peuple maudit par Dieu que nous vivons toutes ces misères et tous ces problèmes que nous connaissons aujourd’hui. C’est parce que tout simplement nous sommes dirigés par des roublards sans vergogne et sans indécence qui n’ont d’autre souci que de se tailler la part du lion", dit-il.
Mais, il est surtout un rappeur qui s’efforce à conscientiser les gens, à lutter pour l’avènement d’une Mauritanie d’égalité, à faire disparaître la haine dans les cœurs et les esprits. Né en 1984 à Nouakchott, il a grandi à Fondé Djéry, dans le sud de la Mauritanie à quelques kilomètres de Bababé, la ville rebelle. Creuset d’une double culture à la fois mauritanienne et sénégalaise, il en porte, lui-même, les germes !
Il incarne cette âme sensible qui fait défaut au mouvement du Hip Hop mauritanien. Et, aujourd’hui, que serait "Habobé Bassal" sans lui ? Pas grand-chose ! Sur scène, en dehors de la scène, il force le respect et l’admiration. Il refuse d’être un panneau publicitaire ambulant comme le sont aujourd’hui de nombreux rappeurs. Il a la conviction d’accomplir une mission, c’est sa force.
Persuadé de la nécessité de retourner aux sources, il s’attache comme le lierre à la pierre à son identité. Sur ce côté, il est irréprochable. Même une pause photo est toujours un prétexte pour lui d’arborer les symboles traditionnels et artistiques de son identité culturelle. Ce qui le hante désormais, depuis qu’il a pris conscience, c’est comment sortir notre rap de nos frontières. A y voir de prés, on croirait voir un doublon de 50 cent. Et, la ressemblance est assez étonnante !
Comme la plupart des jeunes de sa génération et de son quartier, la Socim, il a été emporté par le vent de la musique rap qui a soufflé sur Nouakchott durant la fin des années 90. Comme quoi, le Rap peut bien changer une personne. Et, comme a-t-on l’habitude de le dire, chaque artiste ressent une fêlure personnelle.
En 1994, à la suite du décès de sa mère, originaire de Podé, au Sénégal, il est envoyé à Fondé Djéry, village de son père. Le sevrage est quasi brusque et insupportable. Pour autant, cet éloignement de la ville de Nouakchott ne l’a jamais détourné des chemins du rap. Sur cette terre exotique, le p’tit Abou Fall va se forger une culture musicale, artistique et culturelle qui va de Baba Maal, le leader du Dandé Léñol et Mamadou Diol, un chanteur populaire de la vallée.
Il partage son temps entre l’apprentissage des versets coraniques et les veillées nocturnes, les soirées où on chante et danse la variété pulaar sous toutes ses formes. C’est de cette localité véritablement qu’est née la première étincelle d’amour pour le chant et la musique. Son séjour dans cette aire de culture lui sera d’un grand apport dans son enracinement personnel, moral et spirituel. Infatigable et curieux, il s’intéresse aussi à la littérature orale de sa localité où viennent s’échouer différentes traditions.
Au début des années 2000, la scène musicale mauritanienne voit l’émergence d’un certain nombre de groupes de Rap comme BOB de la Médina R et une kyrielle de rappeurs. De retour de Nouakchott, cet admirateur du rappeur sénégalais Maxy Crazy en qui il s’identifie du point de vue musical pour différentes raisons décide de se consacrer pleinement au rap qui est pour lui une autre forme d’engagement. Modeste et d’abord facile, il n’hésite pas à fréquenter des fins connaisseurs de la poésie et de la littérature tel que Guélongal Ba pour s’enrichir. Partagé entre sa vie de maçon et de celle de rappeur, il veut montrer l’exemple à suivre au reste de la bande de "Habobé Bassal".
Toutefois, le rap commence, avec l’accroissement de leurs tournées à l’intérieur du pays, à prendre petit à petit le dessus sur son métier. Sa passion du rap, sa quête infatigable du savoir et de la connaissance, le font succomber aussi bien à la mélodie des rythmes de la musique traditionnelle qu’à la suavité des sonorités qu’elle exhale. Et le mènent tout naturellement à explorer différents styles de musique (dialo, djindagou, yaré, etc.). D’une finesse d’esprit étonnant et débordant, ce redresseur de torts éternel sera à l’origine de la création du concept "Habobé Bassal" qui s’appelait avant "Momti Gondi".
Babacar Baye Ndiaye