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8 novembre 2012 4 08 /11 /novembre /2012 18:04

Ewladeleblade.JPGRévélé en 99 par leur morceau "hip hop yengra", Ewlade Leblade qui s’appelait jusqu’en 2000 "Hassanya Clan" a fait du chemin : une dizaine de participation à la Fête de la Musique célébrée entre Nouakchott, Rosso, Kiffa et Atar, une flopée de tournées de sensibilisation sur le paludisme, le Sida et la lutte contre la pauvreté, sans omettre ces allers-retours entre la Côte d’Ivoire, le Sénégal et le Maroc.

Ewlade Leblade, icône du rap mauritanien et porte-étendard du rap hassanya en Mauritanie, a été sélectionné le 23 octobre à Nouakchott par un des jurys culturels du Comité International des Jeux de la Francophonie pour participer à la 7e édition des Jeux de la Francophonie France/Nice 2013. Une participation qui montre que le collectif n’est pas encore mort. Loin de là. Flash-back sur leur carrière.

Leur histoire débute en 1998 dans le quartier de la Médina 3, à Nouakchott. Trois jeunes, Sidi Ould Brahim alias Izak Ice, Mamoudi Ould Sidi alias Hamada, Sidi Mohamed Ould Mbareck alias M.D, fondent très rapidement "Hassanya Clan". "Hip hop yengra", leur premier texte, sort en 1999 et connait un succès auprès du public. En 2000, il tourne la page de "Hassanya Clan" qui devient Ewlade Leblade.

2007: "Adatne"

La carrière de ce groupe sera véritablement lancée, en avril 2007, avec la sortie de leur premier album, Adatne. C’est une véritable bombe musicale, à sa sortie. Dans cet album, Ewlade Leblade y défend une conception du rap engagé et dépouillé de toute démagogie verbale. Il y défend également la conception de l’enracinement et du retour aux traditions. Quelques-uns des noms de la musique mauritanienne ont participé à cet album : Maalouma Mint Meidah, Cee Pee et Number One African Salam (NAS).

Avec ce disque, Ewlade Leblade traverse toute la Mauritanie, avant de mettre le cap sur Dakar, en décembre 2008, pour participer à la 8e édition du Festival Hip Hop Awards. Le vent de leur succès souffle jusqu’au Festival Rawafid Azawane de Laâyoune qui accueille plus de 200 artistes venus des quatre coins du monde.

Le 14 février 2009, le groupe participe à l’enregistrement de l’émission "Couleurs Tropicales" de l’animateur Claudy Siar diffusée sur Radio France Internationale (RFI). Le 17 juin 2011, Ewlade Leblade reçoit, à la clôture de la quatrième édition du Festival Assalamalekoum, le "Prix Assalamalekoum" du meilleur album de rap mauritanien.

Le collectif enchaine les duos avec des artistes internationaux, notamment avec Vice Versa All Stars, un groupe américain, ou encore avec l’artiste sénégalaise Coumba Gawlo Seck (disque d’or et de platine) qui les invite à Dakar, en mars 2012, en compagnie d’autres artistes africains, à participer à l’enregistrement de son single de campagne de sensibilisation à la lutte contre le paludisme.

Du Festival Assalamalekoum en passant par le Festival Culturel "Nous les Femmes", Festival Walo Muzik de Rosso ou encore du Festival des Musiques et Découvertes de la ville de Nouadhibou, Ewlade Leblade aura presque participé à tous les grands rendez-vous de la musique mauritanienne.

2012: "Adi"

Après une longue absence sur la scène rap, le collectif sort, en avril 2012, son second album, Adi, qu’il définit comme un disque de "la maturité autant dans la musique que dans l'engagement". Le titre de l’album fait référence à cette attitude qu’ont les Mauritaniens de tout banaliser même devant l’adversité de la vie. Cet album, qui est très éloigné du précédent, connait moins de succès que le précédent.

Dans cet album, le collectif réunit le groupe sénégalais Bidew Bou Bess (double disque d’or en 2002), feue Dimi Mint Abba, Mouna Mint Dendenni, Cheikh Ould Lebiadh. Avec cet album, une nouvelle aventure commence pour ce collectif de rap, promoteur du sarouel sur la scène rap. Le 21 novembre prochain, à Paris, Ewlade Leblade tentera de décrocher une place à la 7e édition des Jeux de la Francophonie France qui se dérouleront à Nice.

Babacar Baye Ndiaye

Crédit article© Cridem 2012

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20 juin 2012 3 20 /06 /juin /2012 19:50

Saidou-Nourou-Gaye-copie-1.JPGCe jeudi 5 avril, Saidou Nourou Gaye, la nouvelle idole des jeunes filles de Nouakchott, va célébrer avec son groupe, le Foyré Bamtaaré, ses 5 ans d’existence de présence sur la scène musicale mauritanienne. Portrait de ce chanteur de 29 ans qui est en train de tracer, sans tambour ni trompette, sa route. Mais, aussi, qui fait tourner la tête des jeunes filles.

Depuis très jeune, il a toujours rêvé de fouler les planches des podiums. Né le 30 avril 1983 à Nouadhibou où son père servait en tant que matelot, Saidou Nourou Gaye, qui se produit régulièrement à Nouakchott, est un artiste qui compte aujourd’hui sur la scène musicale mauritanienne.

S’il n’avait pas épousé la profession de chanteur, Saidou Nourou Gaye se serait bien vu médecin "pour sauver des vies", explique-t-il. A petits feux, il est en train de donner à la musique mauritanienne ses lettres de noblesse. Depuis 2007, on parle de lui, notamment de ses chansons "Chérie" et "Nana Pama" qui glorifient le pouvoir de l’amour.

Ces titres ont fait de lui qu’il est devenu un artiste incontournable dans les soirées de gala, les concerts…Une montée en puissance qu’il explique par "le fruit du travail acharné" et "les thèmes" comme l’amour qu’il aborde dans ses chansons.

Ce fervent supporter du Réal Madrid, Liverpool et de Chelsea qui est aujourd’hui à la croisée des chemins est avant tout un esprit libre, d’un caractère effacé, rigoureux, sensationnel et surtout modeste. "Dieu m’a crée ainsi", se défend celui qui veut imposer sa musique au-delà des frontières de la Mauritanie. Pour autant, on lui colle souvent l’étiquette d’artiste "arrogant". Il rappelle : "Tout un chacun d’entre nous a sa manière de voir. Je ne refuse pas que l’on me trouve arrogant. Je refuse d’être arrogant".

Sa voix porte les empreintes de sa grand-mère Yaka Ceddo Gaye et de ses parents Hamady Yaka Gaye et Penda Astel Komé. Ce passionné de musique qui vénère Baba Maal, Céline Dion et Backstreet Boys a débuté d’abord dans une troupe de théâtre scolaire lorsqu’il était élève à El Hadj Oumar Tall. A la fin du spectacle, Amady Seydi Bâ, un ami d’enfance, l’encourage à se ruer dans  une carrière musicale. Il met en place son groupe et en l’espace de deux ans, sa carrière musicale connaîtra une ascension surprenante.

A l’aune de ses 29 ans, Saidou Nourou Gaye a les idées bien vissées comme une casquette dans sa tête. Il sait ce qu’il veut et là où il voudrait aller qui est de se hisser sur les plus hautes cimes de la musique mauritanienne. Une ambition qu’il continue à irriguer en faisant preuve de professionnalisme, de ponctualité et de disponibilité qui sédimentent sa vie musicale.

Son personnage est aussi moulu par feu son père, Hamady Yaka Gaye. Celui-ci qui occupe une place centrale dans son cœur continue à l’inspirer en irriguant ses pensées, preuve qu’il est plus que jamais présent dans son esprit.

Même au top de sa popularité, Saidou Nourou Gaye a les pieds sur terre et la tête sur les épaules. Il ne laisse pas son état d’esprit voler bas. Il est conscient de son statut très difficile d’artiste qu’il vit et de l’énormité du poids qu’il doit supporter pour faire avancer la musique mauritanienne. "Notre source de revenu est très maigre. Nous continuons à vivre sous le toit de nos parents. Il n’y a pas encore de garanties dans la musique. Il n’y a pas de lieux de spectacles comme les discothèques, les salles de concerts à moindre coût, les restaurants. Il est très difficile d’être artiste en Mauritanie", explique-t-il.

Mais, il assure tout de même que ces raisons ne prendront pas le dessus sur sa carrière musicale. Ce jeudi 5 avril, on retrouvera Saidou Nourou Gaye à la Case de Nouakchott, comme en 2007, début de sa carrière pour le prouver. Pour célébrer leur 5 ans d’existence, Saidou Nourou Gaye et son groupe promettent d’inédites belles choses à ses admirateurs. On le découvrira aussi à travers deux singles qu’il sortira d’ici la fin de l’été 2012  avant de mettre sur le marché national son premier album tant attendu. Comme aussi, son mariage. Il dit être un cœur à prendre. Alors, belles demoiselles, à vous pour le mettre dans votre sac à main Prada!

Babacar Baye Ndiaye

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17 janvier 2011 1 17 /01 /janvier /2011 15:12

tahra2.jpgC'est dans les années 1960, au Hodh Gharbi, qu'est née Tahra Hembara ; celle qui fera le bonheur de Mama Mint Ahmed Zeidane dit "Ma Mouyna " et de Mohamed Laghdaf Ould Mbar, mais aussi de son père adoptif Ahmed Ould Saïd.

A la différence de nombre de ses congénères, Tahra Hembara est allée très tôt à l'école française où elle obtiendra son bac et bien plus tard, une licence en Economie à l'Université de Sorbonne. Auparavant, elle avait suivi des études coraniques qu'elle continue d'ailleurs d'entretenir. "Il faut mener sa vie comme on allait vivre éternellement et comme si la fin est prévue pour demain " dit-elle avec sagesse.

Et de compléter : " nous sommes venus au monde rien que pour vénérer le bon Dieu. Je le fais pour moi-même et pour le bon Dieu ".

Svelte, respectueuse des hôtes, elle se décrit comme " une femme exigeante, fidèle, paresseuse, très gentille et nerveuse ". " Je déteste la trahison. Je pardonne très difficilement. Je n'aime pas le mensonge en tout cas pas délibérément " affirme Tahra Hembara qui soulignait : " le Prophète disait que le menteur ne fait pas partie de sa communauté… Idem pour les personnes qui font du mal. Personnellement, je ne supporte ni les premiers ni les seconds ".

Enfance.

Tahra reconnaît avoir vécu une enfance très heureuse entre les régions des Hodhs, Aleg, Boghé, Rosso et Nouakchott. " J'étais avec une mère d'une grande beauté, très marante qui avait un humour ravageur que j'adorai, que j'adore et que je vénère vraiment ". L'artiste a aussi vécu avec son père. Elle garde de grands souvenirs de son petit frère Dahha, mort à l'âge de 8 ans électrocuté. "C'était mon frère et c'était mon ami " affirme-t-elle.

Début dans la profession.

Tahra Hembara a eu des débuts de carrière difficile dans la musique. " Je n'ai jamais connu de musique, ni de près, ni de loin. Parce que chez moi dans les années 60 on ne pouvait pas écouter de la musique. Seules les personnes de la même génération pouvaient le déguster, releva-t-elle en substance, notant " chaque fois qu'il y avait une entame de musique on y mettait fin. Malgré tout, un peu plus tard, j'ai été attirée par la musique.

J'ai commencé en cachette parce que ma mère n'était pas d'accord. Mon instrument était toujours chez les voisins. Et c'est pour cela que je suis allé au collège des jeunes filles de Nouakchott où je me trouvais à l'internat surtout pour pouvoir jouer, chanter et m'imprégner de cette musique que j'aimais tant ".


Elle affirme avoir rencontré très tôt, l'une des figures emblématiques de la musique mauritanienne, Cheikh Ould Bacha qui est issu d'une très grande famille d'artistes. L'homme était un ami de sa famille et venait souvent chez eux pour jouer la musique qui émerveillait Tahra. " J'ai dis à cheikh que je jouerai un jour pour lui et ça le faisait sourire " assène-t-elle. " J'ai pourtant réussi le pari, bien plus tard " se glorifie-t-elle.

Côté déception, elle en a. Il s'agit surtout de cette cérémonie de mariage où des convives l'ont tancée de s'asseoir alors qu'elle esquissait des pas de danse.". " Moi qui suis aujourd'hui un professeur de danse ". A propos de sa maîtrise de l'instrument " Ardine "Tahra tire sur la TVM qui ne l'a pas fait connaître au grand public. "

Si beaucoup de gens ne me connaissent pas, c'est la faute à la TVM et aux medias publics. Ici, il faut taper, supplier les gens pour se faire connaître. Moi, je ne le feras pas " rectifie-t-elle.

Célibataire depuis quelque temps, Tahra qui est revenue à Nouakchott après un longe séjour en Europe (Italie, France, Belgique, Hollande..) ne regrette rien ; " le divorce a été pour moi un vrai bonheur. Même sans faire des tournées, je peux jouer ou chanter, chez moi organiser des soirées musicales… parce que je suis une artiste. Je me sens très épanouie " avance-t-elle.

Ses rêves.

Tahra
est une très grande rêveuse. " Plus il y a de rêves, plus on a de perspectives donc, plus il y a d'avenir " déclare-t-elle. Tahra rêve de faire connaître la musique mauritanienne, de jouer son instrument partout, de voir la musique mauritanienne et la peinture mauritanienne s'épanouir dans les quatre coins du monde. Elle dit se heurter toutefois à la marginalisation de l'Etat par rapport à sa profession. "

Je rêve beaucoup de choses mais l'Etat ne m'aide pas. Il y a énormément de choses qu'on fait sans moi. Peut être mon tort est que je sois une femme intellectuelle et cultivée " atteste-t-elle. " Je trouve que ce n'est pas normal. Pour vivre je suis obligée d'avoir des boutiques, d'avoir des magasins, de vendre et d'acheter alors que je suis considérée comme une grande musicienne, par mes pairs, en Afrique " témoigne-t-elle avec amertume.

Lors de ses tournées musicales, elle joue avec de grandes vedettes confirmant ainsi sa réputation sur le plan international. Elle a composé avec David Bauer et rencontré Pavarotti sur la même scène. Parmi les vedettes africaines qui ont joué avec elles, on peut citer Alpha Blondy, le roi du Yela, Baaba Mal au Daniel Serano et entre autres.

" La véritable star Africaine, la plus grande voix Africaine et plus grand danseur de tous les temps est pour moi Baaba Mal. C'est un type que j'adore beaucoup. Je suis souvent à son festival de blues du fleuve à Podor. Où il m'invite souvent "
confesse Tahra Hembara.

Le mariage.

A propos du mariage Tahra dénonce la façon dont les Mauritaniens le font et surtout la communauté maure qu'elle connaît assez bien et lance un appel à toutes les autorités compétentes dans ce domaine à revoir la réglementation.

" Le mariage chez nous c'est quelque chose qui se fait facilement et qui se défait aussi facilement. C'est une institution qui devrait être visitée. Nos érudits et oulémas doivent revoir ce phénomène. Le côté véritablement religieux du mariage n'existe pas psychiquement chez nous les maures. Parce que on se marie quand on veut et on divorce quand on veut également "
soutien t-elle. " C'est facile de voir une jeune femme qui n'a pas 25 ans qui est mariée 1, 2 ,3 à 4 fois et ce n'est pas bien.

J'espère que le gouvernement aujourd'hui doit essayer de donner des lettres de noblesses au statut du mariage et que cela soit appliqué à la lettre. Et là, les hommes et les femmes de cette communauté maure réfléchiront deux fois avant de se marier et surtout avant de divorcer "
assure Tahra Hembara.

La politique et les politiciens.

Les talents artistiques de Tahra Mint Hembara, sont loin de l'éloigner du champ politique. "Je serais très heureuse de voir les hommes et les femmes de ce pays faire de la véritable politique, non celle du ventre. J'aimerai bien les voir avoir de vraies opinions, quelles qu'elles soient. En cela, je les respecterai car je suis une démocrate.Qu'ils restent et qu'ils maintiennent les mêmes convictions, au même endroit, même si ça ne va pas " souligne-t-elle.

Selon elle, la stabilité dans les idées et dans les convictions politiques, loin des migrations et des défections, sont loin de l'honnêteté intellectuelle que le peuple attend de ses élites, car poursuit-elle "l'essor économique d'un pays est lié à sa stabilité et à la maturité de sa classe politique".

Les intellectuelles.

Pour Tahra avoir beaucoup d'intellectuels dans un pays est une grande chance, surtout si l'intelligence est la chose la mieux partagée entre toutes les communautés. "Je suis tellement malheureuse de voir que très souvent nos intellectuels privilégient plus leurs intérêts personnels que ceux de la Nation et du peuple "

La musique mauritanienne.

Tahra Mint Hembara considère que la musique mauritanienne bat de l'aile. Et de s'exclamer "que font les artistes ? La création d'un institut ne suffit pas, il faut prendre le taureau par les cornes ", soulignant qu'il faut créer "des studios subventionnés par l'Etat " et que "les artistes ont besoin d'avoir une sécurité sociale parce qu'ils peuvent tomber ou crever sans que personne ne soient au courant ".

Elle donne son propre exemple, faisant remarquer que quand elle était tombée malade récemment, elle a été obligée de vendre ses terrains pour se soigner à l'étranger. "Est ce que les autres artistes possèdent des terrains ? " Se demandent. Conclusion pour elle, il faut développer une véritable politique sociale pour aider les franges les plus vulnérables de la société, pas les artistes seulement.

La journée de Tahra
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Tahra
a l'habitude de se lever tôt le matin. L'artiste, férue d'informatique, travaille beaucoup sur le Net et sur la musique pendant toute la matinée. Elle est aussi commerçante, ce qui ne l'empêche pas d'avoir un réseau fourni de contacts. Elle écrit également beaucoup sur la vie de notre société. "Comme je n'ai pas de pression sur mon temps, je peux arrêter et écrire, tout en m'adonnant à d'autres activités, comme l'entretien de la maison par exemple" certifie-telle.

Après la sieste, Tahra sort si elle n'a pas de visites ou bien fait des courses pour remplir le frigo. Tahra est aussi adepte de la marche à pied. L'occasion pour elle de lancer un appel solennel pour la pratique du sport. " Quand on n'a pas une activité sportive, on se suicide simplement " soutient-elle. Dans son enfance, Tahra se rappelle avoir fait de la gymnastique, mais qu'actuellement, elle fait des marches de 30 à 45 minutes soutenues.

L'artiste aime prendre le thé, surtout le thé anglais, qu'elle sirote dans son jardin qu'elle arrose et dont elle prend beaucoup de soin tous les jours. Tahra est aussi une branchée des médias d'informations. En matière professionnelle, Tahra a déjà publié un album à Paris intitulé " Yamen Yamen ", une production de Pathé Fackoly.

C'était avant son mariage. Elle prépare actuellement un second album qu'elle a nommé "Bismi La Mone". En termes de difficultés, Tahra en a connu tout au long de sa carrière, dont entre autres la difficulté à trouver un studio d'enregistrement, le manque de sérieux et de professionnalisme de certains artistes locaux.

"J'ai avec moi de jeunes artistes que je harcèle chaque jour pour venir répéter. J'ai eu du mal à leur dire que faire la musique, ce n'est pas de prendre son instrument et de chanter. Un morceau de 4 minutes, pour qu'il soit bien fait, nécessite une répétition de 4 mois ". Et de laisser tomber "ils ne sont pas sérieux dans les rendez-vous, dans le travail et tout le monde en souffre".

Famille-profession-religion


A propos de la famille, Tahra est fataliste. "Je ne suis plus une fille, je suis une femme mûre. Sincèrement je ne souffre pas de l'absence de famille. Je suis très contente de tous ce que le bon Dieu m'a donnés. Je pense que si je n'ai pas eu d'enfants, c'est parce que c'est mieux pour moi, sinon le bon Dieu m'en aurait donné " avoue-telle.

Tahra se défend d'être une sœur musulmane, ni parente musulmane. Elle se dit être musulmane tout court. . "Nous avons appris depuis toujours à chanter, que ce soient les hommes ou les femmes, le problème à ce niveau ne se pose pas. " Elle dit espérer qu'il en soit toujours ainsi, sinon dit-elle "si on touche à cette liberté-là, ce sera très monstrueux puisqu'on peut être malhonnête avec le bon Dieu ".

Amis et ennemis.

Pour elle son meilleur ami a toujours été son cousin germain, Baba Ould Hembara, avec qui elle fait souvent des "duos " et qu'elle accompagne souvent avec sa "Tidinit ". "Je me propose, puisque la TVM ne m'invite pas et ne fournit pas d'effort pour cela, à faire une production clé-à-main où j'inviterai Baba Ould Hembara à jouer avec moi. Cette production sera offerte à mon public mauritanien que je respecte beaucoup " déclare-t-elle

A propos de ses ennemis, Tahra sans faux rires lance "j'ai des ennemis, Dieu soit loué et j'en ai beaucoup. ils disent des choses sympa à mon égard ; comme par exemple que je ne suis pas une vrai Toubab au sens péjoratif du terme " Et de lancer comme pour se consoler "je pense tout le monde à des ennemies ". C'est aussi un fin gourmet et une excellente cuisinière. Elle raffole des grillades de poisson pendant le jour et de salade au poulet avec vinaigre et moutarde la nuit.

"Ce qui ont bouffé de mes mets s'en souviennent encore " dit-elle dans un éclat de rires. Mais ajoute-t-elle, avec son humour décapant, "je plains mes ennemis, car ils ne pourront malheureusement pas en, déguster.

Cheikh Oumar N'Diaye
Source: L'Authentique (Nouakchott)

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30 juillet 2010 5 30 /07 /juillet /2010 19:52

Ewlade Leblade, c’est Sidi Brahim Mohamed alias Izak Ice, Mamoudi Ould Sidi alias Hamada et enfin Sidi Mohamed Ould Mbareck alias M.D (voir photo). Trois vies différentes, un même destin : celui de faire plaisir. La sortie en 2007 de leur premier album "Adat’ne" les a imposés sur la scène musicale mauritanienne. Véritable révélation de la musique mauritanienne en 2007, Ewlade Leblade n’en finit pas d’émerveiller, à chaque concert, le public mauritanien. Ils sont aimés et adulés comme des "gourous".

 

izak1.jpgSidi Brahim Mohamed alias Izak Ice

 

Ce natif de la ville de Rosso en Mauritanie a grandi à Nouakchott. Chez lui, la musique n’est pas une histoire de famille. Sachant que les études ne vont pas lui réussir, il les abandonne très vite. A cause de la musique ! Et bonjour les ennuis avec sa famille qui ne l’excusa pas de cette désinvolture qu’elle considéra comme étant un acte de défiance.

 

Leur opposition n’y fit rien. Car, son destin était déjà fait. Et, il était écrit sur la table d’airain qu’il en serait ainsi. Indésirable, il quitte Nouakchott et sa famille en destination de Rosso, sa ville natale. Bien vite, il se découvre une prédisposition pour le Rap.

 

Déjà, à partir de 1996, il commençait à flirter avec le milieu du Rap, à Nouakchott. Et, c’est contre le gré familial qu’il se lance dans la musique. A Rosso, il retrouve ses repères et commence à se faire découvrir. C’est dans cette ville méridionale de la Mauritanie que vont se dessiner les prémices de sa carrière musicale.

 

Pendant son séjour, il y fit la connaissance d’un certain groupe de Rap du nom de "Salamen". Il chante à l’occasion des concerts de Rap qui se font ça et là à Rosso. Il alterne podiums sur podiums. C’est dans cette atmosphère qu’il va réussir à se creuser son propre sillon. Le succès et la gloire commençaient à germer dans son esprit lorsqu’il voyait le défunt "Black Muslim" sur scène, un groupe de Rap qu’il admirait éperdument.

 

Aujourd’hui, ironie du sort, c’est l’un des membres du groupe (Khadim) qui est devenu son manager. Il rêvait de grandeur en assistant aux concerts de "Black Muslim". Entre 1995 et 1996, il se glisse sur le tatami du mouvement Hip Hop. Sa voix forte et sa grande taille ont fait de lui un rappeur complet. De nature joviale, sociable et surtout tranquille, il se préserve de toute arrogance et de toute altération.

 

Ce longiligne n’est pas du genre à reculer devant l’adversité de la vie. Ce n’est pas un hasard s’il croit dur comme fer que la célébrité et la notoriété sont au bout de l’effort. C’est parce qu’il se nourrit de la sève de son guide, le prophète Mohamed (Psl). Un musulman convaincu, il l’est. Sa force réside en sa foi.

 

Sa seule obsession : la perfection musicale. Sobre, il l’est et l’a toujours été. Le vent de notoriété qui a soufflé sur Ewlade Leblade ne l’a pas emporté. C’est un homme introverti ! Hier banni par sa famille, il a su aujourd’hui se forger une nouvelle image. Avec son talent, il a fini par convaincre les siens.

 

                                       Mamoudi Ould Sidi alias Hamada hamada1.jpg

 

Lui aussi, il est natif de Nouakchott où il a grandi au quartier populaire du 5ième arrondissement. Il a très tôt flirté avec l’école buissonnière. En 1999, en classe de 3ième année Collège, il commence à sécher les cours. A cause, lui aussi, du virus de la musique. Il fréquente Papis Koné, le guitariste solo du groupe "Walfadjri", le temps de comprendre comment cela fonctionne.

 

Son premier morceau qu’il va composer s’intitulera "Touvlaha tetemacha-i" qui parle de l’amour fondé sur l’intérêt. Il découvre alors sa passion pour le Rap. Bye bye l’école ! Débute une nouvelle vie pour lui. Plus tonitruante, celle-là. En 2000, il fit la connaissance d’Izak Ice et de Sidi Mohamed Ould Mbareck.

 

Partageant les mêmes idées et les mêmes préoccupations, ils forment leur propre groupe de Rap "Hassanya Clan".  Ils abandonnèrent cette appellation à connotation raciale. Au studio "Afrimédia", dans le cadre de la préparation de leur maquette, ils adoptent comme nom de groupe "Ewlade Leblade", un nom qui continue à marquer les esprits.

 

Il aurait dû être douanier comme l’aurait aimé sa mère, mais il avait envie de faire de la musique. Il défie le roc parental. Il troque sa "daraa" contre les jeans, casquettes, tee-shirts et autres colliers en argent. Il hume l’air frais des mélodies made in USA, notamment celles de 2 Pac très aromatiques pour s’en débarrasser.

 

Le petit maure se métamorphose. Il ne sera pas épargné par l’accoutrement américain. C’est le début de l’aventure. Il heurta sa famille en premier lieu son père qui avait du mal à accepter le choix que sa progéniture avait fait. Exit les malentendus entre lui et sa famille qui pensait que leur fils flânait avec des personnes malveillantes.

 

Aujourd’hui, à son grand bonheur, les temps ont changé et ses parents ont fini par abdiquer. Issu de famille modeste, il sait qu’il devra son salut qu’à la musique. Dans ses textes, il cogne sur les dérives de la société et pointe un regard critique par rapport à la situation sociale du pays.

 

Hamada est un artiste qui voue son existence à la musique. Il a réussi à briser les stéréotypes culturels qui ont toujours cloué au pilori certains talents. Il a réussi en s’en défaire. Il n’hésite pas à cracher sur le feu lorsqu’il voit certaines souffrances humaines. Aujourd’hui, il est devenu plus mature. Les textes qu’il écrit parlent de nous, de nos réalités. Là-dessus, il fait mouche !

 

 MD.jpg

Sidi Mohamed Ould Mbareck alias M.D

 

Certainement, il doit être fier d’être l’aîné du groupe et de partager avec Izak Ice et Hamada le même destin et les mêmes préoccupations. Né en 1978 à Kaédi, au Sud de la Mauritanie, il a grandi à Nouakchott entre le 5ième et le 6ième arrondissement. Ses parents sont originaires de Mbout. Il n’est pas allé très loin dans les études. Non pas parce qu’il les détestait, mais à cause de certaines contingences sociales et familiales.

Turbulente et tonitruante, telle était son enfance. Dans un monde de plus en plus intrépide, comment faut-il faire, se demande-t-il, pour assurer sa survie ? Il devient encaisseur entre 1993 et 1994. Derrière ce bout de bois de Dieu, s’est toujours dissimulé un éternel bosseur qui a toujours su compter sur lui-même et sa propre détermination.

 

Issu de famille peu aisée, il quitte très tôt le foyer à la recherche de l’argent et de la réussite. Il voyage et découvre un jour Nouakchott. Volontariste et de carapace dure, il s’arme de courage et d’abnégation. Nouakchott est une ville où on réussit facilement quelque soit l’activité qu’on exerce, se dit-il. Il achète des fringues qu’il revend. Ça y est ! À le voir à cette époque, on aurait parié que rien ne le prédisposerait à faire de la musique.

 

C’est donc par hasard qu’il y est venu, sans la moindre connaissance de la réalité de ce milieu comme la plupart des jeunes. Contrairement à Izak Ice ou Hamada, il reçut la bénédiction de ses parents. Il démarra sur les chapeaux de roues. Et tout marcha comme sur des roulettes. Aujourd’hui, ces parents ne vivent plus.

 

Ceci a participé à forger son âme. Lorsqu’il en parle, c’est l’émotion. Il devient maussade. Après la mort de ses parents, il se lança très tôt dans le business. Parallèlement, il fréquente les concerts de Rap et se fait des amis rappeurs. Il commence à chantonner et à écrire des textes. Il se dit qu’il peut devenir lui aussi rappeur comme Method Man qui l’émerveilla. Ne dit-on pas que le destin ne tient à rien.

 

Il se découvre des aptitudes musicales et se lance dans le Rap. Il se sent pousser des ailes et commence à rêver, lui qui n’a jamais décroché aucun diplôme. Aujourd’hui, avec Hamada et Izak Ice, ils forment le trio d’Ewlade Leblade qui a réussi à faire tomber les masques de la société mauritanienne. Mais que de chemin parcouru avant d’en arriver là. Lui-même, Sidi Mohamed Ould Mbareck, le reconnaît.

 

Fichtre ! Fini l’époque des vaches maigres. Avec Ewlade Leblade, il vit dans le bonheur et s’estime le plus heureux sur la terre.

 

Babacar Baye Ndiaye

 

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30 juillet 2010 5 30 /07 /juillet /2010 19:20

Le trio de Habobé Bassal qui s’est formé au quartier de la Socim de Nouakchott a déjà fait entendre sa voix un peu partout en Mauritanie. Ce groupe qui emprunte son nom aux difficiles conditions de vie des populations croise avec délicatesse musiques traditionnelles de la vallée et Rap.

 

Depuis août 2005, Habobé Bassal, dont la création fut une véritable histoire de rencontres, ne cesse d’enflammer les quatre coins du pays et leur musique y est certainement pour quelque chose. D’Aéré Mbar à Thianaf en passant par Nouadhibou, Zouérate, Tokomadji sans oublier Sinthiou Diam Diorro, le trio de Habobé Bassal a pris du galon et ne compte pas s’arrêter aux frontières de leur pays.

 

D’ores et déjà, ils ont fait entendre leurs voix novatrices sur des radios comme Top Fm, la RTS, Radio Fondou, Radio Thilogne et Radio Thilogne. Leur passage à des évènements comme Assalamalekoum Festival International a fait naître chez Mika Fall, Cheikh Oumar Anne et Abou Fall qui composent Habobé Bassal une ambition feutrée. Rencontre avec ce trio qui prépare la sortie de leur tout premier album "Yoboné Wassdona".  

  

                                                                  

mika.jpgSans Mika Fall, il manquerait certainement une jambe à Habobé Bassal. Mika, le plus jeune du groupe, traîne derrière lui un parcours musical assez enchanteur. Au bout de ses douze ans, le Rap a trouvé ses aises dans sa tête. Contrairement à son aîné Abou Fall et Cheikh Oumar Anne, lui, il a intégré le groupe assez tardivement. Mais, depuis, il ne l’a plus quitté d’une semelle. Cet admirateur de Hameth Fall, un des fondateurs de Habobé Bassal et soulman du groupe, est un jeune qui impressionne par son sens développé de la musique.

 

Du coup, la folie du Rap le gagne puis celle l’envie de monter sur les podiums de rap. Déjà, il imitait la manière de rapper de Hameth Fall et absorbait comme une gorgée d’eau fraîche ses refrains. Il est bouleversé par sa voix, par la profondeur de son expression et par l’exaltation qu’elle provoque.

 

A partir de ce moment, il se sent frayer un chemin dans le mouvement du rap. Alors, découvre-t-il la réalité du mouvement : la galère ! Quelques années plus tard, après le départ de son icône, Hameth Fall, il intègre définitivement "Habobé Bassal" et commence à s’affirmer sur les chapeaux de roue. Il n’était jamais monté sur scène, jusqu'à ce qu’un jour, le manager de "Habobé Bassal", Yaya Diallo, le lui propose. "Je n’y croyais pas à mes yeux. C’était comme dans un rêve", se souvient-il brusquement ébloui.

 

De "Wiyobé Yobé Ndedj", son premier groupe de rap qu’il a monté avec un ami du nom de Mama Néné à "Habobé Bassal" en passant par "Oumo diodo", le jeune Mika Fall collectionne des expériences assez enrichissantes et inédites. S’ensuit aussitôt une période de stand by. Certains de ses amis vont quitter le rap qu’ils croient peu prometteur. Le temps de sombrer dans l’esseulement, le voilà dans un nouveau jour. Il comprit très vite la différence entre "Habobé Bassal", "Wiyobé Yobé Ndedj" et "Oumo diodo".

 

Avec "Habobé Bassal", il va presque découvrir toute la Mauritanie. A cette époque, se souvient-il, il avait dû mal à sortir de sa timidité. Les premiers instants de complexe passés, il se libère doucement de sa torpeur. L’adolescent devenu un farceur a mûri et s’est aguerri en acquérant de l’expérience. La preuve, il ne chante plus sur la même tonalité. Il a mesuré, avec "Habobé Bassal", ce que signifiait varier de mélodies et de beats.

 

Cette ancienne pointure de "Wiyobé Yobé Ndedj" et de "Oumo diodo", ses deux premiers groupes de rap, s’identifie et se passionne de Cee Pee et Fada Freddy dont il maîtrise leurs morceaux de A à Z. Et, lorsqu’on a des références comme celles-là, on ne peut sonner comme une légende.

 

Comme beaucoup de ses compagnons d’infortune, à peine, est-il entré à l’école fondamentale qu’il l’abandonne au profit de la musique dont l’envie était plus forte que tout. Mais, aujourd’hui, cela semble ronger sa conscience. Cette regrettable parenthèse de sa vie d’ado le pousse en revanche à s’investir corps et âme dans la réussite musicale. Mais aussi celle de "Habobé Bassal". Ses textes sont souvent des histoires qu’il a entendues ou observées ça et là à Nouakchott où il a vu le jour en 1985.

 

 

Cheikh Oumar Anne est viscéralement timide. C’est à peine qu’il ose s’exprimer ou lever son regard. Mais, détrompez-vous!cheikh.jpg C’est un leurre. Puisqu’il est l’autre forte tête de Habobé Bassal. Pour avancer et plaire au public, il prélève le meilleur de lui-même. Il a commencé depuis l’âge très jeune. Sa vie s’est toujours inspirée de ce qui l’environne, de la beauté du monde et de ses profonds sentiments et états d’âme.

 

Ce jeune de 26 ans, natif de Nouakchott, a la particularité de pouvoir restituer l’esprit de sa musique. Comme pour donner un coup de fouet à son imagination et ses fantaisies. Début des années 2000…Il s’engage, convaincu de son talent, dans la voie qu’a suivi son comparse, Abou Fall. Le rap s’empare de lui et vice versa ; et, flaire aussitôt qu’il y a quelque chose au bout.

 

Déjà, très jeune, il rêvait d’une superbe carrière, avec toujours de l’envie dans sa passion sans jamais trahir sa vocation. Très tôt, donc, la musique rap le fascine. Il gravite les échelons et de simple fan de ce mouvement, il devient un acteur. Il se fond très rapidement et découvre au bout de quelques années de ténacité son passage. A cette époque, des groupes de rap comme Black A part, Dentel Men Possee, Hibaroubi faisaient figure de proue dans la naissance du Rap dans la capitale.

 

C’est avec beaucoup de délectation qu’il suivait, impressionné et interloqué, leurs concerts. De là est née l’envie inopinée de monter sur les podiums et de crier. En 1998, il fait la connaissance de Bad’s Diom, Md Max (un dinosaure du Rap mauritanien) et plus tard Abou Fall avec qui il va former "Habobé Bassal". Il fit ses premiers pas dans le groupe de rap dénommé "Mistral X". Cette expérience ne sera que de courte durée avant qu’il n’aille faire les beaux jours d’autres groupes de rap de quartiers. En quelque sorte, il devient un "touriste" du mouvement comme il aime à le rappeler.

 

Tenez-vous bien, déjà, à l’âge de 12 ans, il commençait à développer un tel esprit puisqu’il a bourlingué à travers toute la Mauritanie. En revanche, avec la musique, il devient célèbre, bouge énormément, et se voit déjà comme une superstar d’Hollywood. Maintenant, avec "Habobé Bassal", il éprouve un grand plaisir de sillonner le pays d’un million des poètes. Car, avec ce groupe, il a rencontré des stars de la musique Rap de la trempe de Tunisiano qui a été la grande attraction de la deuxième édition de "Assalamalekoum Hip Hop Festival" de 2009.

 

Pour autant, il ne souffre pas d’une perte de suffisance. Dénoncer les maux de la société lui semble être un devoir. Il n’écoute que deux musiciens dont il raffole follement leurs chansons : Tiken Jah Fakoly, la star du reggae ivoirien et porte-parole de l’Afrique opprimée ; et, Tunisiano, lui, aussi, très engagé.

 

Quand il parle, on sent aussitôt les pogroms de leurs répercussions sur sa manière de penser et d’agir. Aussi, il a ravivé la tradition en puisant le meilleur qu’il a trouvé ; il est d’ailleurs le concepteur du "rapwango", un savant dosage de sonorités traditionnelles pulaar et le rap. Son envie de sortir des sentiers battus a nourri son désir de revigorer le rap pour le détacher de ses cadrans en termes d’inspiration, de créativité et d’évolution.

 

 

abou.jpgPointilleux, altier, débordant d’imagination, Abou Fall est le modèle même de l’artiste fidèle à tout point de vue à sa parole, son tempérament et à son engagement. "Ce n’est pas parce que nous sommes un peuple maudit par Dieu que nous vivons toutes ces misères et tous ces problèmes que nous connaissons aujourd’hui. C’est parce que tout simplement nous sommes dirigés par des roublards sans vergogne et sans indécence qui n’ont d’autre souci que de se tailler la part du lion", dit-il.

 

Mais, il est surtout un rappeur qui s’efforce à conscientiser les gens, à lutter pour l’avènement d’une Mauritanie d’égalité, à faire disparaître la haine dans les cœurs et les esprits.  Né en 1984 à Nouakchott, il a grandi à Fondé Djéry, dans le sud de la Mauritanie à quelques kilomètres de Bababé, la ville rebelle. Creuset d’une double culture à la fois mauritanienne et sénégalaise, il en porte, lui-même, les germes !

 

Il incarne cette âme sensible qui fait défaut au mouvement du Hip Hop mauritanien. Et, aujourd’hui, que serait "Habobé Bassal" sans lui ? Pas grand-chose ! Sur scène, en dehors de la scène, il force le respect et l’admiration. Il refuse d’être un panneau publicitaire ambulant comme le sont aujourd’hui de nombreux rappeurs. Il a la conviction d’accomplir une mission, c’est sa force.

 

Persuadé de la nécessité de retourner aux sources, il s’attache comme le lierre à la pierre à son identité. Sur ce côté, il est irréprochable. Même une pause photo est toujours un prétexte pour lui d’arborer les symboles traditionnels et artistiques de son identité culturelle. Ce qui le hante désormais, depuis qu’il a pris conscience, c’est comment sortir notre rap de nos frontières. A y voir de prés, on croirait voir un doublon de 50 cent. Et, la ressemblance est assez étonnante !

 

Comme la plupart des jeunes de sa génération et de son quartier, la Socim, il a été emporté par le vent de la musique rap qui a soufflé sur Nouakchott durant la fin des années 90. Comme quoi, le Rap peut bien changer une personne. Et, comme a-t-on l’habitude de le dire, chaque artiste ressent une fêlure personnelle.

 

En 1994, à la suite du décès de sa mère, originaire de Podé, au Sénégal, il est envoyé à Fondé Djéry, village de son père. Le sevrage est quasi brusque et insupportable. Pour autant, cet éloignement de la ville de Nouakchott ne l’a jamais détourné des chemins du rap. Sur cette terre exotique, le p’tit Abou Fall va se forger une culture musicale, artistique et culturelle qui va de Baba Maal, le leader du Dandé Léñol et Mamadou Diol, un chanteur populaire de la vallée.

 

Il partage son temps entre l’apprentissage des versets coraniques et les veillées nocturnes, les soirées où on chante et danse la variété pulaar sous toutes ses formes. C’est de cette localité véritablement qu’est née la première étincelle d’amour pour le chant et la musique. Son séjour dans cette aire de culture lui sera d’un grand apport dans son enracinement personnel, moral et spirituel. Infatigable et curieux, il s’intéresse aussi à la littérature orale de sa localité où viennent s’échouer différentes traditions.

 

Au début des années 2000, la scène musicale mauritanienne voit l’émergence d’un certain nombre de groupes de Rap comme BOB de la Médina R et une kyrielle de rappeurs. De retour de Nouakchott, cet admirateur du rappeur sénégalais Maxy Crazy en qui il s’identifie du point de vue musical pour différentes raisons décide de se consacrer pleinement au rap qui est pour lui une autre forme d’engagement. Modeste et d’abord facile, il n’hésite pas à fréquenter des fins connaisseurs de la poésie et de la littérature tel que Guélongal Ba pour s’enrichir. Partagé entre sa vie de maçon et de celle de rappeur, il veut montrer l’exemple à suivre au reste de la bande de "Habobé Bassal".

 

Toutefois, le rap commence, avec l’accroissement de leurs tournées à l’intérieur du pays, à prendre petit à petit le dessus sur son métier. Sa passion du rap, sa quête infatigable du savoir et de la connaissance, le font succomber aussi bien à la mélodie des rythmes de la musique traditionnelle qu’à la suavité des sonorités qu’elle exhale. Et le mènent tout naturellement à explorer différents styles de musique (dialo, djindagou, yaré, etc.). D’une finesse d’esprit étonnant et débordant, ce redresseur de torts éternel sera à l’origine de la création du concept "Habobé Bassal" qui s’appelait avant "Momti Gondi".

 

Babacar Baye Ndiaye

 

 

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8 avril 2010 4 08 /04 /avril /2010 18:51

L’histoire de Diam Min Tekky ressemble à une histoire romanesque. En 1997, des blancs-becs qui ont pour noms Mar Ba, Ousmane Sow et Lamine Cheikh Ba, et qui n’ont aucune instruction poussée, décident de mettre sur pied leur propre groupe de Rap : DIAM MIN TEKKY ! A la même année, le groupe, boosté par un idéal d’honneur, de fraternité et de justice, enregistre son premier morceau en studio «Stop à la drogue ! ». Avec ce morceau pavé de conseils et fait pour rappeler à la jeunesse mauritanienne les risques qu’elle encourt en s’y adonnant, Diam Min Tekky annonce les couleurs et montre qu’il veut s’imposer sur la scène du rap en Mauritanie.

 

Du coup, le groupe enchaîne les tournées à l’intérieur du pays, devient le symbole de la lutte contre l’injustice en Mauritanie, porte les aspirations et les déceptions d’une jeunesse en quête de reconnaissance et participent aux «Concerts forum » organisés par le centre culturel français Antoine de Saint-Exupéry de Nouakchott. Les nouveaux phénomènes de scène venus injecter du sang neuf au rap mauritanien sont même sollicités quelques fois par les pouvoirs publics et notamment par des organismes internationaux tels que l’Unicef dans le cadre de ses sensibilisations sur le sida.

 

En 2004, les Che Guevara du rap mauritanien participent aux albums d’AMD (Noble Art) et celui de Monza (Président 2 la rue Publik) ainsi qu’à la compilation «Art de la RIM » qui regroupe quelques noms de la crème Hip Hop en Mauritanie. L’année suivante, en 2005, ils participent à la Mixtape «Egotrip and Scratchness » du disc jockey sénégalais de Pee Froiss Gee Bayss.

 

Diam Min Tekky acquiert très vite de la notoriété et les trois jeunes qui le composent font parler de plus en plus d’eux. Ce n’est donc pas surprenant de les voir élus triomphalement sacrés lauréats du concours de rap du centre culturel français de Nouakchott. Le groupe réussit très rapidement à séduire le public toujours avide qu’on lui crache des vérités crues à la figure. Très engagés sur le front social et politique, ils n’hésitent pas à canarder à boulets rouges sur les pouvoirs publics qui voient en eux des jeunes «subversifs » qu’il faut donner de bonnes fessées.

 

En 2006, alors que le groupe est déjà célèbre, le trio de Diam Min Tekky prépare la sortie de leur premier album et une tournée internationale couronnée de succès. En 2007, les jeunes à la verve déroutante lâchent une bombe musicale, Gonga (vérité), qui couronne une aventure militante regroupant des jeunes aux idées banlieusardes qui refusent la soumission, la haine et l’injustice. Dans cet album aux sonorités enchanteresses, on retrouve Ousmane Gangué, Noura Mint Seymali, Guélongal Ba et le lead vocal du Super Diamono, Oumar Pène. Le succès est grandiose.

 

Si, aujourd’hui, Diam Min Tekky bénéficie d’une certaine aura et sympathie grandissante de la part de la jeunesse mauritanienne, ça l’est moins davantage auprès des grandes personnes qui pensent que ces jeunes sont insolents et en font quelques fois trop. Mais, quoiqu’il en soit, Diam Min Tekky, aimé ou pas, est une référence sur la scène du rap en Mauritanie.

 

Ce groupe qui a réussi paradoxalement à faire voler en éclats certains préjugés ne manquent pas de perspectives. Comme le Festa 2H à Dakar, le groupe compte bien reproduire des évènements de cette envergure dans la banlieue de Nouakchott notamment à Sebkha. Cet évènement portera le nom de «Hip Hop banlieue ». Une manière de revigorer le rap en Mauritanie et de cimenter la fidélité qui existe entre les rappeurs et le public.

 

Lamine Cheikh Ba : De l’écolier de la rue au bad boy du quartier

                                      Honey.JPG

Si on devait lui coller une étiquette, on dirait qu’il est un vin en devenir, difficile à goûter, quelquefois même insupportable à avaler. Lamine Cheikh Ba alias Honey est un jeune passionné et bien décidé à s’imposer. Il incarne princièrement le printemps de la vie à Diam Min Tekky.

 

Du haut de ses 25 ans, il assure déjà et n’est pas du genre à se plier comme un roseau. Et, quand il monte sur une quelconque scène, c’est pour mieux dynamiter et sans gants les cimenteries de l’hypocrisie et de l’injustice sociale. Né à Nouakchott en 1984, dans l’un des quartiers les plus populaires de Nouakchott en l’occurrence le sixième arrondissement, il est tombé dans le Rap quand il était tout p’tit.

 

Aujourd’hui, malgré tous les problèmes que rencontrent son quartier natal- problèmes d’insécurité, de drogue, d’assainissement, difficultés d’accès à l’eau, taux de chômage très élevé, problèmes d’urbanisme…-, il reste profondément attaché à son milieu naturel qui l’a vu grandir et devenir rappeur. Plein de joie de vivre, mais aussi, farceur, Honey (un sobriquet qui lui sied bien d’ailleurs) donne tout sens à son "sixième".

 

Et, ses rimes sont autant de témoignages à charge contre les pouvoirs publics. Ça lui permet de décharger son mécontentement. Dans son groupe, Diam Min Tekky, il est un ovni. On dit de lui qu’il est gonflé, arrogant et suffisant. Bref, un enfant bien gâté, un pur produit de la banlieue qui se gausse de tout et s’en fiche pas mal au passage des critiques, des remontrances et autres moyens de honnir.

 

Presque aux antipodes de son surnom de scène, Honey qui signifie en français miel. Un mordu qui se paye souvent le luxe de la dénonciation et du courage. Très tôt, il quitte les bancs de l’école. Gommant définitivement les études de sa tête et ignorant tout ce qui va l’attendre au virage, Lamine Cheikh Ba, par ailleurs cadet de sa mère, va devenir un écolier de la rue. Il y apprendra et découvrira les rudes réalités de la vie et les problèmes de son quartier et de son arrondissement.

 

Cette parenthèse de sa vie va le marquer à jamais aux fers rouges. Et, à partir de là, il va commencer à prendre conscience du milieu qui l’environne et de sa situation précaire. Au fil des années, le Rap va avoir raison sur lui et fera son école plus tard à Diam Min Tekky. Il comprend très vite que c’est le seul moyen de se faire entendre.

 

Aujourd’hui, sérieux, responsable, conscient, il semble mesurer l’importance de son statut de leader d’opinion. Converti jusqu’au bout des ongles, il veut relever le défi. Montrer par la même circonstance que le Rap est aussi une autre école de la vie. La preuve ? "J’ai beaucoup voyagé, rencontré de grands musiciens et fait surtout d’intéressantes découvertes", confie-t-il. Son intelligence s’est aussi bonifiée. "Je passe tout mon temps à écrire", dit-il.

 

Hier bad boy, aujourd’hui insoumis (tenez-vous bien, il a toujours refusé de trimer), Honey, qui avoue avoir tout fait dans la vie et qui est un passionné de 50 cent, de Bouba, de Diams entre autres rappeurs, se veut l’incarnation d’une nouvelle authenticité musicale. Aujourd’hui, avec la maturité, il est passé maître dans l’art de raconter des anecdotes et de donner notamment des conseils. "Tout ce qu’on entreprend, on doit le faire avec beaucoup de conviction", souffle-t-il. N’est-ce pas là une preuve que le Rap l’a mué ?

 

Ousmane Sow : Celui qui a failli ne pas devenir rappeur !

                                 Ousmane

Alors que rien ne le prédestinait à chanter, il a réussi, au fil des années à se tailler une place de leader au sein de Diam Min Tekky et dans le mouvement du Hip Hop où il est souvent difficile de se faire accepter et aimer par le public constitué de jeunes déjà abreuvés à satiété par les beats du rap français, américain ou sénégalais.

 

Il semble avoir bien retenu la leçon d’André Malraux qui disait : "être un homme, c’est transformer l’expérience en conscience". Parmi toutes ses qualités qui sautent aux yeux, la plus caractéristique est sans doute le militantisme.

 

Ousmane Sow né en 1982 à Nouakchott est avant tout celui dont les textes très engagés et revendicateurs ont marqué une bonne partie de la jeunesse mauritanienne. Avec un esprit serein, il appartient à ces gens qui portent des rêves, des aspirations et des utopies. Tout en lui rappelle la lointaine Jamaïque : ses dreads locks et son esprit lumineux. Il s’imbibe de toutes les musiques et notamment celle de Bob Marley, le reggae, une musique des Noirs de la Jamaïque au rythme très marqué.

 

Il fait tout par plaisir. Il aurait pu être un bon reggae man. Mais, il a décidé de sonner Rap. Longtemps, il a rêvé de devenir chanteur aux prises avec son environnement à savoir son sixième arrondissement. C’est là que l’instinct de ce futur musicien mâtiné de Mbalax et de musique traditionnelle (Baba Maal) va naître.

 

Sur le plan musical, Ousmane Sow n’est pas facile à étiqueter. Tantôt, on le retrouve dans le rayon Rap. Tantôt dans celui du reggae. Mais, c’est le Rap qu’il semble choisir pour mieux ressortir l’écho de ses états d’âme, ses frustrations, ses accès de mécontentement, son ras-le-bol contre un système social qui confine les individus dans un branle-bas de combat exténuant mais surtout dans une posture de manque de confiance et de traumatisme.

 

Certaines carrières musicales sont surprenantes. Celle d’Ousmane Sow va se bousculer lorsque lui et deux autres de ses amis (en l’occurrence Mar Ba et Lamine Cheikh Ba) forment le groupe Diam Min Tekky. Au bout de quelques années, le succès est grand. Mais, aujourd’hui, il semble bien avoir la tête sur les épaules.

 

"On est encore loin du bout du tunnel", insiste-t-il. Dès cette rencontre donc, il eut le sentiment de franchir une nouvelle étape de sa vie en découvrant le Rap. C’était l’époque des maquettes à 300 UM et des misères ! Mais, peu importe, se dit-il, car la voie à suivre est désormais tracée.

 

Quant à ses parents, c’est à peine qu’ils croyaient en ce qu’il était en train de faire. D’ailleurs, sa mère va tenir des propos désobligeants qui le feront souffrir dans son amour-propre, lui dont la vision des choses diffère de celle de ses progéniteurs. Au nom de certaines pesanteurs sociales, il est presque condamné à tout laisser tomber à l’eau. Je fais ce que je veux, se dit-il aussi, et advienne que pourra ! Presqu’au bord de la démence et du découragement, il suit à la lettre le précepte de Joseph Joubert selon lequel "ce qui est vrai à la lampe n’est pas toujours vrai au soleil".

 

Alors, convaincu qu’il a reçu une certaine instruction, il abandonne les études. Il exerce le métier de tailleur pour, dit-il, pouvoir subvenir à ses propres besoins personnels. Issu de famille modeste originaire du sud de la Mauritanie, il sait qu’il ne devra sa survie qu’à force de courage et de résignation. Au bout de deux ans, il commence à s’ennuyer et veut flairer du nouveau. Il sort et fréquente quelques jeunes de son quartier très branchés dans le milieu de la mouvance musicale du Rap à l’état embryonnaire en Mauritanie.

 

On est dans la fin des années 90. Le Rap français, sénégalais et américain inonde la Mauritanie en mal de rappeurs. Dans la rue, à l’école, dans les foyers, dans les boîtes de nuit, les jeunes s’abreuvent des textes des nouvelles têtes d’affiche du Hip Hop mondial. Tout est bon à consommer parce que ça leur parle directement. Les jeunes commencent à se libérer, à s’affirmer et surtout veulent devenir des rappeurs comme MC Solar.

 

C’est dans cette atmosphère qu’Ousmane Sow a embrassé la religion du rap-attitude. Par le prisme de ce genre musical, il s’enracine dans les réalités de son quartier et s’extirpe par la même occasion d’un environnement malsain où tirer des bouffées de fumée de cigarette et sombrer dans le banditisme était un acte anodin.

 

Aujourd’hui, Ousmane Sow est bien connu dans le milieu du Hip Hop de la Mauritanie. Il a fait de nombreux duos, participé à de nombreuses compilations et autres supports musicaux de sensibilisation comme sur le Sida. Et, pourtant, il a failli ne pas devenir rappeur. "Ma mère a toujours mal vu que je fasse de la musique qu’elle considérait comme étant une affaire de descendants de caste de griots", confie-t-il. Comme quoi, personne ne peut échapper à son destin. Et, il était qu’il en serait ainsi pour Ousmane Sow. 

 

Mar Ba : L’inspecteur du Rap mauritanien ?

                                         Mar.JPG

Son prénom sonne déjà comme un ras-le-bol. Aussi, il en dit long sur son côté impulsif, spontané, culotté et surtout révolutionnaire.

 

Né le 11 décembre 1980 à Nouakchott, Mar Ba alias Marino a grandi dans le populeux sixième arrondissement de la capitale. A la fois tonitruant, engagé et volcanique, son discours traduit un désir instinctif de redonner espoir et confiance aux offensés, méprisés et opprimés.

 

Paradoxalement, Mar Ba est une parole libre qui est là pour que les choses évoluent dans le bon sens. "Je regarde ce que les gens vivent et je le dis. Je suis prêt à tout perdre pour plaire à tous ces gens qui n’ont pas droit de cité en Mauritanie", râle-t-il.

 

Certaines histoires humaines n’apprennent pas grand-chose ou tiennent à peu de choses. Celle de Mar Ba ressemble peu à celles de ses comparses. Son père, Ciré Ba, un grand commis de l’Etat de qui il tient son caractère ardent y est pour quelque chose. Celui qui voudrait qu’on l’appelle désormais Marino (comprenez par là le petit Mar) s’est très tôt voué exclusivement à la musique Rap. Une manière pour lui de mettre à plat les maux qui gangrènent la société mauritanienne très statique.

 

Bizarrement, il fréquentera l’école assez tardivement. "C’était très difficile pour moi de s’adapter" ; se souvient-il. «Je n’ai pas appris à compter avec des bâtonnets ni à lire l’alphabet », confie-t-il avec une once d’amusement. Simultanément, il entame une autre vie. C’est le langage musical que le petit Mar va choisir comme mode d’expression. Le rap, en particulier. Trois ans, plus tard, il abandonne définitivement les études et range dans les tiroirs de l’oubli cahiers, stylos, crayons, craies, chiffons et livres. «Parce que la musique commençait à prendre le dessus sur les études », explique-t-il.

 

Une décision prise volontairement mais qui ne sera pas du goût de son père. Et, pourtant, à l’école, il a toujours été un élève brillant et revenait de la maison avec de bonnes notes. Son père fera de tout son possible pour qu’il retourne à l’école. «Il ne pouvait pas comprendre que je quitte très tôt l’école », dit-il. Déçu, son père se résigna malgré sa désapprobation ! Mais, ne le pardonna pas d’avoir trahi son espoir. Néanmoins, son père comprit que tous les chemins mènent à Rome.

 

A cette époque, Mar Ba ne manquait jamais les concerts de Rap qu’on organisait ça et là dans la banlieue. C’est ainsi qu’il sera marqué par certains groupes de Rap et de rappeurs de Nouakchott tels que Positive Sans Complexe (PSC), Md Max, Laye B, Dj H, Bocar de BOB. Et, il s’arrangeait toujours pour être devant la scène pour mieux les admirer. «J’ai toujours rêvé de faire comme eux », se rappelle-t-il, conquis. «C’est un spectateur du rap qui est devenu l’inspecteur du rap mauritanien », assure-t-il.

 

Mar Ba, c’est la boîte à idées de Diam Min Tekky. Il appartient aussi à cette race humaine qui n’a pas sa langue dans sa poche. La preuve, il ne porte pas de masques pour dire souvent des choses très dérangeantes. La vie de la banlieue nourrit son inspiration. Et gare à celui qui voudrait lui contester son titre de porte-parole du Hip Hop mauritanien. Aujourd’hui, il estime que notre rap a besoin de grands coups de balais neufs pour la bonne et simple raison que, dit-il, «ça ne bouge pas !», en raison du manque de créativité et d’imagination de ceux qui composent ce mouvement. Le remède ? «Il faut oser faire et lorsqu’on ose, ça peut marcher », préconise-t-il.

 

En Mauritanie, la jeunesse raffole de ces personnes-là qui bouscule l’ordre des choses et leur renvoient la réalité de leur vécu. Cet admirateur de Jant B, de Pee Froiss, de Dj Awadi, de Tunisiano et qui ne piffe pas trop le rap américain très ponctué par le bling-bling en est une. Les problèmes que vivent la banlieue et notamment son quartier ont fini par installer la rage dans son cœur.

 

«Chaque fois que je me réveille, je vois des choses qui me blessent. Trouvez-vous normal qu’une personne aille chercher de l’eau ailleurs pour se débarbouiller avant d’aller au travail ? D’autres qui n’ont pas de quoi mettre sous la dent ? », se demande-t-il. «On est dans un milieu où est obligé d’être ce qu’on est. Ce qu’on voit, nous pousse à tout », se justifie-t-il sans détours.

 

Loin d’être du genre à se faire rabattre le caquet, Mar Ba est convaincu qu’il est investi d’une mission divine. «Je suis né pour dire la vérité et dénoncer ce qui ne va pas », affirme ce piètre en anglais dont il ne connaît que «How are You ? » et «fine » et qui se débrouille pas mal dans la langue de Victor Hugo. Quand on veut l’écorner, il n’hésite pas à défendre vaille que vaille son image de croyant pratiquant jusqu’au bout des ongles.

 

Sur scène, il est époustouflant. Certaines langues déliées disent même qu’il sniffe et se revigore de l’alcool. «Sur la tête de ma mère, je ne l’ai jamais fait. Je n’ai jamais fumé de l’herbe. Je n’ai jamais picolé dans ma vie. Je suis un artiste lucide », se défend-il.

De 1997 à 2009, Mar Ba n’a pas cessé de connaître avec Diam Min Tekky un succès bœuf. Et, aujourd’hui, il compte rattraper le temps perdu en reprenant les études et surtout apprendre l’anglais et même…le chinois.

 

Il a bien raison d’inscrire sa devise «celui qui ne risque rien n’a rien » sur son front. C’est ce goût du risque, d’ailleurs, qui le pousse souvent à dénoncer certaines conditions de vie des populations. N’est-ce pas là une preuve de montrer qu’ «il y a beaucoup de choses à dire dans le Hip Hop mauritanien » ? Sacré Mar !

 

Babacar Baye Ndiaye

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25 décembre 2009 5 25 /12 /décembre /2009 21:53

 

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Son véritable nom, c’est Kane Limam. «Comme l’imam de la mosquée », tient-il à préciser sur un air bouffon et détendu. Il est habillé comme un petit maure. Ce nom qu’il revendique fièrement voudrait signifier qu’il est un Imam. «Non, je ne suis pas un imam. C’est mon prénom, Limam. Voilà. »

 

Kane Limam ? Aujourd’hui, il est plus connu sous le nom de Monza. Un nom assez bizarre et d’ailleurs qu’est-ce que c’est. «C’est un pseudo, un nom d’emprunt, un nom d’artiste. Pourquoi Monza ? Parce que je cherchais un nom qui pouvait refléter l’Etre Noir en tant que personne. Dans mes recherches, j’ai vu qu’en 1770, il y avait dans les Caraïbes une prison, une sorte d’escale, un cachot où passaient des esclaves avant d’être amenés au marché des esclaves. Ce cachot s’appelait Monza. C’est un nom qui m’a marqué et je l’ai adopté. Après, il y a eu des similitudes avec le grand circuit automobile Monza. Il y a des sociétés qui s’appellent aussi Monza. C’est une coïncidence, je ne sais pas ! En tout cas moi, c’est plus par rapport à ce cachot d’esclaves. Sinon Monza veut dire : Musique Originale Native de la Zone Authentique. »

 

Monza, comme il l’a rappelé lui-même, a commencé à faire de la musique Rap proprement dite à partir de 1997. «Mais, je l’ai commencé en 1995 », souligne-t-il. Depuis quelques jours, il a enterré sa vie de célibataire. Au fait, comment l’a-t-il connue, sa nouvelle dulcinée ?

 

«Ben ! On s’est rencontré ici à Nouakchott. Elle est française. Elle est venue travailler en Mauritanie. On s’est rencontré et (il respire bien) puis voilà. » Mais dans quelles circonstances ? «Disons qu’on s’est côtoyé un peu et puis cette relation est née. »

 

Son nom ? «Je veux garder le nom de ma femme pour moi à l’opinion publique qui n’a rien à savoir du nom de ma femme. » Ah bon ! «Si vous voulez, elle s’appelle Aïchétou Kane. »

 

Un prénom musulman. Est-ce qu’elle s’est converti à l’Islam ? «Ça personnellement, c’est une question à laquelle je ne voudrai pas répondre. » Pensez-vous à prendre la nationalité française puisque vous avez épousé une française ?

 

«Jamais de la vie ! Je ne pense pas que j’ai besoin de la nationalité française. Je suis mauritanien. Je compte le rester. Je sais que beaucoup de gens peuvent le penser. En se mariant avec une occidentale, ça peut faciliter beaucoup de choses. Mais, je pense déjà en tant qu’artiste mauritanien, je me dois de représenter mon pays avec ma nationalité et ma fierté aussi de mauritanien. Jamais, je ne changerai de nationalité. »

 

C’est vrai que tu es marié maintenant. Mais aussi, tu es un chanteur célèbre souvent courtisé par les jeunes filles. Comment vas-tu gérer ta vie de couple ? «S’il s’agit de vie de couple ou de vie de famille, c’est déjà une responsabilité du moment qu’on se lève pour se marier, c’est parce qu’on a envie de ça, de stabilité. Je sais où vous voulez en venir. Je sais que les artistes ne tiennent pas leurs ceintures comme on dit. Moi, je ne suis pas de ces genres-là. Je ne veux pas être de ces genres-là. Je vis avec une femme. Je l’aime. Elle aime. Je la respecte et le respect, c’est la base de tout. »

 

Monza polygame ? Monza se lancer dans la polygamie ? «Non ! Ça ne fait pas partie de mes principes. » On vous a tiré par les oreilles ? «Non ! Pas du tout. Chez moi, c’est moi qui porte la culotte (éclats de rire). »

 

En juin 2004, il sort ‘Président 2 la Rue Publik’ et en juillet 2007 ‘Incontextablement’. Il a participé aussi à de nombreuses compilations : ‘bloc partie 2’ de Dj Manitou, ‘l’art de la RIM’ (1ier compil de Rap mauritanien), ‘Egotripscratchness’ de Dj Gee Bayss, ‘Out Her’ sorti en Allemagne avec la participation entre autres de Tiken Jah Fakoly, Awadi, ‘African Rebelles Music’. Actuellement, il est en train de préparer un 3ième album qui va s’appeler ‘Motus bouche cousue’ prévu en 2009.                                   

 

Il se définit comme étant ‘Le Président 2 la Rue Publik’. «Un jour, on (il était avec quelqu’un d’autre) a vu une rue privée marquée quelque part. J’ai barré ‘privé’ et à la place j’ai mis ‘publik’. Sinon pourquoi Président 2 la Rue Publik ? Déjà, je suis un observateur de ce qui se passe, de ce que fout la République, je dis bien la République. Dans ce que je fais, il y a cette vision de la République. D’un autre coté aussi, comme le Rap vient de la rue, je fais une petite ‘provocation’ linguistique en déformant cette République en rue publique et faire un hommage à la rue d’où vient le Rap et le Hip Hop. »

 

Il est souvent taxé à tort ou à raison d’être l’intello des rappeurs mauritaniens. «Je ne sais pas mais les gens le disent c’est peut-être vrai. Personnellement, je ne conçois pas cette idée-là que je suis l’intello du Rap mauritanien. Non ! Je dirai que je suis un artiste qui dit ce qu’il pense. »

 

Est-ce qu’aussi vous êtes un homme hautain ? Mais aussi quelqu’un de très têtu ? Un despote en quelque sorte qui n’aime pas qu’on le contrarie. D’ailleurs, vous ne prenez que des décisions unilatérales ? «Non ! Je dirai que j’ai défaut : c’est d’être perfectionniste. Que ce soit dans un groupe, un collectif, un projet, dans une action lambda, j’insiste beaucoup sur la clarté des choses, sur la perfection et sur la qualité pour qu’il n’y ait pas de distance ou d’amalgame. Certaines personnes avec qui je travaille n’ont pas de recul sur certains petits détails. Pour eux, ce n’est pas grave, on peut passer. Pour moi, tant que ce n’est pas parfait, on ne peut pas passer. Même si personne n’est parfait. »

 

Le micro représente beaucoup de choses pour lui. C’est un instrument par lequel, il fait passer sa pensée, son état d’esprit, un message pacifique. Pour lui, c’est un instrument par lequel il véhicule un message d’unité. Pour autant, on le reproche d’être un toubab. La preuve, il ne chante qu’en français surtout de la part d’un poular comme lui.

 

«Je ne suis pas un toubab. Je suis un hall poular. Je suis un Kane. Je viens d’une famille maraboutique. Si aujourd’hui, je rappe en français, c’est parce que dans ma vision, ce que j’exprime, je voudrai l’exprimer à un public beaucoup plus large. M’exprimer en poular, il n’y aura que mes parents poular qui vont me comprendre alors que si je m’exprime en français, je sais que mes parents poular me comprendront puisque beaucoup d’entre eux ont fait l’école(…) Par contre, je ne chanterai en poular quand il faudra chanter en poular. Par exemple, j’ai traduit la déclaration universelle des droits de l’Homme en poular pour l’intérêt de la communauté et pour qu’ils puissent aussi comprendre leurs droits. De même que les soninké, les wolofs puissent avoir cette déclaration dans leur langue maternelle. Pour des choses comme ça, je suis prêt à chanter en poular. Je ne suis pas ethniste. Je suis universaliste. »

 

Monza, c’est aussi un homme ambitieux. Il rêve même d’exporter le Rap Mauritanien. Mais «il y a des choses qui se font ici très mal. Je dirai aussi que le monde culturel de la Mauritanie ne se rend pas compte du potentiel qu’il y a ici. Mon ambition première, c’est de faire prévaloir la Mauritanie à l’extérieur pour qu’un jour, dans les informations ,qu’on parle de la Mauritanie autrement que ce que nous nous entendons comme par exemple on a tué 4 touristes français, on a arrêté des salafistes. Ce n’est pas cette vision de la Mauritanie que je voudrais montrer.  Je voudrai plutôt montrer une Mauritanie positive, une Mauritanie avec des talents, des potentiels. Voilà pourquoi je vais essayer avec l’aide de certaines personnes ici monter un bureau export de la musique c’est à dire essayer d’être en contact avec des gens à l’extérieur pour faire valoir les artistes mauritaniens. »  

 

Il fait partie aujourd’hui de la première génération de rappeurs mauritaniens. Son regard sur le Rap mauritanien est teinté d’optimisme.

 

«Le Rap mauritanien est en train d’éclore. Le Rap est en train de sortir de l’ombre. Mais le Rap mauritanien a aussi un gros problème. Il y a beaucoup de jalousie et d’hypocrisie entre les artistes alors qu’on devrait avoir plutôt un esprit de communion et d’harmonie pour que ce mouvement ait une base solide. C’est dommage qu’il y ait une partie de cette communauté de Rap qui sabote mais heureusement qu’il y a quelques jeunes qui refusent et essaient de se battre pour qu’on reconnaisse le Rap en Mauritanie. »

 

Pas la peine de lui poser la question sur les jeunes qui l’impressionnent ou essaient comme il dit de se battre pour l’éclosion du mouvement Hip Hop en Mauritanie. «Je ne veux pas citer de nom parce que quand je cite quelqu’un, ça peut amener des histoires. Je sais quand même qu’il y a des groupes de Rap mauritanien que je respecte beaucoup pour leur attitude et surtout pour leur travail. »

 

A ses yeux, ce qui manque au Rap mauritanien, c’est d’avoir une bonne diffusion. «Il faut qu’il y ait des espaces où on peut diffuser du Rap mauritanien, des points de distribution des produits mauritaniens et aussi une instance de protection des œuvres des artistes mauritaniens. »

 

Si un jour, le Président de la République Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi l’appelle et lui fait part de son intention de lui confier le ministère de la culture, il lui répondrait sans réfléchir : «Je ne peux pas porter une casquette de ministre parce que je n’ai pas la capacité pas intellectuelle mais  la capacité morale car un ministère c’est des pots de vin et moi je ne veux pas approcher ça. Par contre, si on me proposait aujourd’hui de venir travailler au ministère de la culture en tant que coopérant, monteur de projet, organisateur événementiel, je viendrais travailler gratuitement avec certaines garanties. »

 

 

 

 Babacar Baye Ndiaye

 

 

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