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27 juin 2010 7 27 /06 /juin /2010 15:41

TunisianoLe rappeur français d’origine tunisienne, Tunisiano, était la tête d’affiche de la fête de la musique 2010 organisée par le Centre Culturel Français de Nouakchott Antoine de Saint-Exupéry. Mais, cette fois-ci, contrairement à la deuxième édition d’Assalamalekoum Festival International de l’année dernière, il est venu avec Acketo. Ce qui a grandement ému le public. Ceux qui avaient prédit la fin de Sniper vont devoir remuer leur langue dans la bouche. Car, Tunisiano et Acketo ont décidé, sans Blacko, de continuer la belle aventure de Sniper. D’ailleurs, ils sont actuellement en studio pour préparer un album commun qui promet déjà. "On aimerait bien venir le présenter en Mauritanie", a déclaré Tunisiano. Entretien.

 

Le Rénovateur Quotidien : Comme à la deuxième édition d’Assalamalekoum Festival International de 2009, vous étiez encore la grande attraction de la fête de la musique 2010 au CCF de Nouakchott. Vous est-il arrivé de vivre, en l’espace d’une année, cette même expérience dans d’autres pays ?

 

Tunisiano : En un an d’intervalles, venir deux fois dans le même pays, non ? Je ne l’ai jamais fait ! C’est la première fois que je le fais. Et, franchement, je ne m’attendais pas à ce que l’on me fasse revenir. Quelque part, cela veut dire que les gens m’apprécient et qu’ils aiment mon univers musical. Ça me fait chaud au cœur surtout lorsque je vois l’accueil du public et comment les mauritaniens aiment la fête, s’amuser. C’est magnifique !

 

Le Rénovateur Quotidien : Est-ce qu’on peut dire à raison qu’entre vous et la Mauritanie, ça commence à ressembler à une histoire d’amour ?

 

Tunisiano : Oui, c’est une histoire d’amour ! En tout cas, avec le public mauritanien, j’espère revenir, pouvoir faire des concerts. Là, on a un nouveau projet qui arrive en fin d’année. Acketo et moi allons faire un album commun. Je ne sais pas si on va l’appeler Sniper mais en tout cas ça va être un album Sniper. J’aimerai bien venir le présenter en Mauritanie.

 

Le Rénovateur Quotidien : Que peuvent espérer aujourd’hui les mauritaniens de votre part sur le plan musical ? Comptez-vous faire quelque chose avec des artistes mauritaniens comme Monza avec qui vous entretenez de bonnes relations ?

 

Tunisiano : Monza m’a fait découvrir son univers musical, il y’a peu de temps. Il m’avait parlé éventuellement de pouvoir poser sur un truc. Je lui ai dit malheureusement que nous sommes déjà sur un album et qu’on avait pris du retard. Je ne pouvais pas m’éparpiller sur un autre truc mais si, éventuellement, à l’avenir, je suis amené à faire une collaboration avec un mauritanien, j’aimerai bien que ce soit avec Monza. Sinon, partir sur un autre registre outre que le rap, si c’est possible. J’adore les voix africaines. Je trouve que ça a de la chaleur, ça fait planer et pourquoi ne pas faire un son avec un chanteur ou une chanteuse mauritanienne. Ça peut être bien.

 

Le Rénovateur Quotidien : Il est vrai que vous êtes français. Mais, aussi, africain de par vos origines tunisiennes. Quel regard portez-vous sur le continent noir dont l’image renvoie souvent, à travers les médias occidentaux, à un continent pitoyable ?

 

Tunisiano : J’ai mes racines qui viennent d’Afrique et ma famille qui vient d’Afrique. Quelque part, je suis attaché du plus profond de moi-même à ce continent. Après, on a beau dire ce que l’on veut, même si je suis en France ou j’ai la culture occidentale, je suis entouré que de personnes d’origines africaines. Autour de moi, il y’a énormément d’algériens, de sénégalais, de maliens…On ne peut pas être déraciné de notre continent. En 2009, c’était ma première fois de découvrir l’Afrique Noire, lorsque je suis venu en Mauritanie. Jusqu’ici, je n’ai fait que la Tunisie et le Maroc. Lorsque je suis venu en Mauritanie pour la première fois, j’ai trouvé les gens plus que chaleureux et j’ai halluciné. J’ai toujours rêvé de jouer en Afrique car je sais qu’ici, les gens aiment la musique, respirent la musique. Il n’y a pas d’artifices. Les gens sont simples et naturels. Cela nous manque en France.

 

Le Rénovateur Quotidien : A un moment donné, Blacko et Acketo, comme vous d’ailleurs menaient des carrières solos. Pour autant, vous êtes resté dans la lignée de Sniper. Pourquoi avez-vous du mal à se détacher de l’esprit de Sniper ?

 

Tunisiano : En fait, pour recentrer le problème, on a fait avec Sniper un album qui s’appelait "Trait pour trait" en 2006. A la suite de cela, il y’a Blacko qui a décidé d’arrêter. Il a dit publiquement qu’il n’avait plus envie de faire du rap. On a respecté sa décision. On conséquence, on s’est retrouvé dans une situation assez complexe. Moi aussi, je me suis dit que je vais faire un album solo. Avec Acketo, je n’ai aucun problème, on se voit, on se côtoie. La preuve, il vient souvent avec moi sur scène. On s’est dit pourquoi on serait obligés d’arrêter l’aventure Sniper à cause d’une personne qui a décidé d’arrêter. Du coup, on se retrouve pris en otage par rapport à ça. On a mis dix ans pour créer une entité qui s’appelle Sniper, un groupe aimé et reconnu. J’ai encore envie de faire de la musique avec Acketo. Lui aussi a envie de faire encore de la musique avec moi. On s’entend très bien. On n’a jamais cessé d’être ensemble. On s’est dit : peu importe les qu’en-dira-t-on, on va faire un album en commun et je ne vois pas pourquoi on ne devrait pas l’appeler Sniper.

 

Le Rénovateur Quotidien : La nuit de la fête de la musique, Acketo, à la grande surprise du public, est monté chanter avec vous. Cela signifie-t-il que vous vous acheminez vers la reformation de Sniper sans Blacko ?

 

Tunisiano : Oui et en ce moment-là, on est actuellement en studio. On est en train de travailler, Acketo et moi, sur un album commun. On ne va pas trouver un autre nom de groupe. On ne va pas former un autre groupe. C’est nous qui avons, à la base, créé Sniper.

 

Le Rénovateur Quotidien : De plus en plus, de rappeurs finissent par opter le dance hall, le RnB ou le reggae. A ce rythme-là, ne croyez-vous pas que le rap risque de connaître un déclin d’enthousiasme auprès du public ?

 

Tunisiano : Le rap à la base, c’est clair, il a un côté contestataire, révolutionnaire dans l’esprit des gens. Mais, à côté de cela, le rap reste une musique dans son intégralité. J’adore écouter du rap qui peut me faire danser comme du rap qui peut me faire réfléchir. Le rap, à la base aussi, c’est un mariage de soul avec du rhythm and blues, un grand mélange. Pour l’éclectisme, je n’ai pas de problème avec ça. Il y’a des dès fois, dans des morceaux de rap, j’aime bien apporter des sonorités de mon pays. Après, pourquoi pas ne pas apporter des sonorités africaines. Ce n’est pas trop grave que le rap s’ouvre à d’autres styles de musique. Je trouve que c’est de l’intelligence et une avancée pour notre musique.

 

Le Rénovateur Quotidien : Depuis 2008, vous n’avez plus sorti un album. Qu’est-ce qui n’allait pas ?

 

Tunisiano : Ce qui s’est passé, c’est que j’étais en procès avec mon producteur. Il a sorti mon album "Le regard des gens" sans me faire signer de contrat. Aux yeux de la loi, il est dans l’illégalité. En plus de cela, il ne m’a pas rémunéré. Mon album est sort mais, moi, il ne m’a pas payé. Mon album est sorti sous le label "Desh Musique" qui était sensé me signer un contrat. Malheureusement, cela ne s’est pas fait. A la suite, lorsque je leur ai demandé de l’argent, ils ont refusé. Je suis parti en procédure judiciaire. Je me suis séparé du label "Desh Musique". Aujourd’hui, je suis indépendant. Je n’ai pas obtenu justice encore. Cela veut dire qu’il va y avoir des procédures judiciaires qui demandent du temps. Je ne compte pas m’en arrêter là. J’ai fait un album qui a rapporté beaucoup d’argent. Ça me revient de droit que je demande mon dû.

 

Le Rénovateur Quotidien : Vos textes sont corrosifs. A titre d’exemple, on peut citer "Je porte plainte" extrait de l’album "Le regard des gens". D’où tenez-vous ce tempérament ?

 

Tunisiano : Il y’a un truc qui m’a toujours frappé et qui me frappera toujours : c’est l’injustice de l’homme. J’ai beau regarder des documentaires à la télé, même si moi-même je ne suis pas confronté directement, ça ne me laisse pas indifférent. J’essaie juste de faire entendre à des gens que mon point de vue est de telle manière et que sur certaines choses, il y’a des inégalités.

 

Le Rénovateur Quotidien : Quel est votre avis sur l’interdiction faite aux femmes musulmanes françaises de porter du voile intégral dans l’espace public ?

 

Tunisiano : Je trouve qu’on en a fait des tonnes. Ils n’ont pas arrêté d’en parler, de le dramatiser. En parlant des femmes musulmanes de cette manière-là, on essaie de nous faire comprendre que les femmes de confession musulmane, c’est des femmes soumises, qui n’ont pas le droit à la parole, qui sont rabaissées, qui ne sont pas libres. À côté de cela, c’est là où je trouve le problème grave, c’est le fait de diaboliser l’Islam. Je respecte tout le monde. Lorsque je vois des juifs en France sortir de la synagogue avec leur tenue vestimentaire, je les respecte idem les chrétiens orthodoxes. Le truc qui m’indigne le plus, c’est qu’en France concrètement, on incite plus les jeunes filles à mettre des strings, des tailles basses, à s’habiller mode sexy mais à la limite du vulgaire. Cela ne choque pas. Une femme qui se couvre la tête ou les cheveux est tout de suite indexée. Quelque part, tout est régi par la politique. Cette question est agitée histoire de faire oublier que les politiques n’étaient pas capables de remonter le pouvoir d’achat, d’arrêter la crise, la délinquance et de faire baisser le chômage.

 

Le Rénovateur Quotidien : L’équipe de France a été prématurément sortie comme en 2002 de la Coupe du Monde de 2010. Qu’avez-vous à dire ?

 

Tunisiano : Je trouve ça pitoyable. Cela faisait un moment que cela dure. Maintenant, il faut se brûler pour se rendre compte que le feu, c’est dangereux  pour ne plus recommencer. J’espère que cela va être le cas. Je pense qu’il a fallu que les joueurs partent la tête basse pour qu’ils se rendent comptent que le Foot Ball, c’est un sport d’équipe avant tout et qu’ils ont beau être dans les plus grands clubs du monde ou toucher les salaires les plus importants d’Europe, ça ne fait pas gagner une équipe. L’équipe française reflète vraiment le système français et la politique française dans lequel on vit. On est dans un système capitaliste. Autrement, chacun marche pour son intérêt. Les joueurs ont cet état d’esprit. Ils sont juste là pour briller, se montrer mais au final, ils ne jouent pas pour l’équipe, ils jouent juste pour leur gueule.

 

Propos recueillis par

Babacar Baye NDIAYE

 

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