Ouza Diallo, chanteur d’origine sénégalaise, a toujours révélé dans ses chansons un artiste panafricain engagé et contestataire.
Dans les années 70, il s’était produit à Nouakchott moins alambiqué qu’aujourd’hui. Quarante plus tard, il est revenu en Mauritanie.
Mais, cette fois-ci pour accompagner sa fille, Adiouza, l’une des invitées de la 5e édition du Festival Assalamalekoum qui s’est déroulé à Nouakchott du 21 au 29 juin 2012. Entretien.
Cridem : Vous vous êtes fait connaitre par votre engagement et votre militantisme. Comment cela s’est-il imposé en vous ?
Ouza Diallo : Je suis né gauchiste. J’ai toujours cru à mon Afrique, à ma race. C’est la raison pour laquelle, je suis en phase avec le Président gambien Yaya Jammeh, un ami très intime à moi. On croit toujours au panafricanisme. L’engagement, c’est quelque chose d’inné chez moi. Etre un homme engagé a toujours été ma démarche.
Cridem : Vous vous réclamez d’être un homme engagé qui ne se gêne pas de revendiquer son amitié avec Yaya Jammeh souvent accusé de dictateur, d’oppresseur. Est-ce que ce n’est pas un peu contradictoire dans votre démarche idéologique ?
Ouza Diallo : Les gens n’ont rien compris. Ceux qui ont amené ces principes de respect de la démocratie, des droits de l’Homme, c’est les révolutionnaires de 1789. La révolution de 1789 a fait 80 ans avant de porter ses fruits et voire jusqu’à présent, les démocraties occidentales connaissent souvent des failles et des imperfections.
En Afrique, nous venons d’avoir, pour la plupart des Etats, 52 ans d’indépendance. J’ai fait la Gambie dans les années 70. A l’époque, c’était Daouda Diawara qui en était le Président de la République. Comparée à aujourd’hui, j’ai compris ce que Yaya Jammeh a réalisé pour la Gambie.
Kwamé Nkrumah, Sékou Touré, Patrice Lumumba…Les occidentaux nous ont toujours fait croire qu’ils étaient des renégats. Or, ce sont eux les véritables traîtres. La guerre de l’Irak a montré que Georges Bush avait menti. Pourquoi ne l’a-t-on pas jugé ? Mais, on juge les Gbagbo, on nous demande d’extrader Issen Habré. C’est ce qui fait que je crois à des présidents comme Yaya Jammeh, à son panafricanisme. J’ai appris lorsqu’il est venu en Mauritanie, il l’a traité le problème des visas aussi bien chez les gambiens que chez les maliens et sénégalais.
Cridem : Qu’est-ce qu’un homme aussi libre qu’engagé comme vous peut ressentir à un moment donné lorsqu’on le censure, le muselle ?
Ouza Diallo : Nous sommes habitués à cela. Cela remonte depuis le président Léopold Sédar Senghor. Je me rappelle, si j’ai bonne mémoire, je suis venu à Nouakchott dans les années 70. J’avais été invité à la Radio Mauritanie. Le directeur est venu alors me voir pour me rappeler que la Mauritanie avait des liens historiques avec le Sénégal. Résultat, on a fait l’interview en différé pour éviter que je ne crique le Président Senghor qui était un ami de Moktar Ould Daddah. En ce moment, j’étais contre le pouvoir de Senghor. Alors, j’ai milité à côté d’Abdoulaye Wade qui fût mon mentor. Avec lui, j’ai voyagé un peu partout. On a souffert ensemble jusqu’à son accession au pouvoir. Lorsque j’ai compris qu’il voulait nous imposer une dévolution monarchique, saccager les vertus africaines, j’ai rompu avec lui.
Cridem : Qu’éprouvez-vous aujourd’hui après avoir participé à faire bouger les lignes, après avoir mené tout ce combat pour le peuple sénégalais ?
Ouza Diallo : Je suis très épanoui et fier des luttes que j’ai menées pour la libération du peuple sénégalais. Je suis une icône incontestable de la musique sénégalaise. Je suis connu par tout le peuple sénégalais.
Cridem : On va parler des relations entre la Mauritanie et le Sénégal. Souvent, on enregistre des couacs entre ces deux pays. En tant qu’artiste panafricaniste, quel message lancez-vous aux dirigeants politiques des deux pays ?
Ouza Diallo : Je souhaite qu’il y’ait de très bonnes relations entre la Mauritanie et le Sénégal. Nous sommes des micro-états et en que tels, on ne peut pas développer l’Afrique. Nous sommes issus des Empires du Ghana, du Mali, du Songhaï. La meilleure issue pour nous, c’est l’entente, le renforcement de nos relations. Si, on a des Etats forts, une fédération forte, on peut tenir tête aux Européens.
Mon combat, c’est la sauvegarde de la personnalité africaine, d’arrêter de penser qu’il faut avoir 4 voitures à la maison, 4 réfrigérateurs pour parler de développement. C’est pour cette raison, j’ai beaucoup aimé Thomas Sankara. Je fais partie de ces gens-là qui croient à l’Afrique, à son unité. C’est aux jeunes maintenant de relever ce défi, de croire au panafricanisme, à leurs réalités, à leur culture africaine, aux valeurs africaines.
Propos recueillis par Babacar Baye Ndiaye